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5 juin 2015

LIVRE : Numéro Zéro de Umberto Eco - 2015

9782246857709,0-2634920La mouture 2015 de la carrière d'Eco délaisse un temps, Dieu merci, les élucubrations historiques assez chiantes pour s'intéresser à notre bon vieux monde contemporain ou presque. L'action se situe dans les années 90, au moment où une presse de plus en plus trashy tente de faire sa place à grands coups de scoops plus ou moins foireux et de scandales politiques pas vraiment vérifiés. On suit la création du numéro zéro d'un nouveau journal, et les mille et unes questions éthiques et morales que se pose son son équipe : comment capter le public ? peut-on mentir et s'en sortir quand même ? comment réarranger la vérité ? comment faire acte de délation tout en faisant semblant d'être pur ? comment rédiger une info quand on ne sait rien de son sujet ? autant de questions que le directeur de ce journal aborde avec un cynisme total, et qui permet de parcourir joyeusement tous les petits arrangements avec la réalité auxquels se livrent nos quotidiens, les plus douteux d'entre eux en tout cas. On sent Eco réellement en colère dans ces pages de conversation désabusées menées par de faux journalistes avides de succès ; il décortique avec un mélange d'indignation et de jubilation les figures de style journalistiques qui permettent de berner le monde et de prendre les lecteurs pour des pigeons, ce qui, à l'ère Berlusconi, donne un visage assez grave à cette petite comédie grinçante. Très ancré dans ce Milan qu'il aime tant, et qu'il décrit avec amour, le roman montre une sorte de déréliction de la société italienne (et mondiale) autour de ces chefs d'entreprise aux dents longues qui veulent faire leur trou dans la presse people. Le constat est terrible. Quand l'un des journalistes met le doigt dans une théorie complotiste enfin crédible (sur la mort de Mussolini), l'éclatement de la vérité marquera la fin du projet de journal, c'est complètement déséspéré.

C'est vrai que c'est agréable de suivre ces réunions secrètes entre journaliste de peu de foi. Eco, c'est son habitude, s'est beaucoup renseigné, a lu énormément de presse, et sait mettre à jour les tournures grammaticales louches, les à-peu-près douteux, etc. Sa théorie autour de la fausse mort du Duce tient le coup, et on sent qu'elle est appuyée par des heures de recherche dans des bibliothèques obscures. Et, vous me voyez venir, c'est un peu là que la bât blesse : assez vite, Eco retombe dans ses travers de nous noyer sous des flots d'érudition fatigante, ajoutant des masses de précisions inutiles sur chaque chose qu'il croise sur le chemin de son héros. Comme si on lisait des fiches Wikipedia à tous les coins de page. Du coup, eh bien ça devient à la longue un peu chiant, la trame principale est ensevelie sous les infos savantes, et on décroche. Eco devrait penser un de ces jours, à respirer l'air pur plutôt que la poussière de ses grimoires, on y gagnerait en rythme et en plaisir.

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