La Foire des Ténèbres (Something Wicked This Way Comes) (1983) de Jack Clayton
Bradbury, Clayton, Disney - cherchez l'intrus. Le problème étant qu'une production Disney restera une production Disney quels que soient la noirceur du scénario (il y a deux trois petites choses intéressantes mais pas de quoi vraiment secouer un môme...) ou la qualité du metteur en scène (la patte Clayton a quand même bien du mal à s'imposer surtout dans la direction ripolinée des deux gamins). C'est un peu dommage car il y a matière à cogiter dans cette histoire de foire qui se joue des malheurs des gens, dans cette idée qu'exaucer le voeu le plus cher d'un individu ne peut être qu'un pacte avec le diable (avec aussi cette notion sous-jacente que l'imagination, le désir "fait vivre" - l'exaucement d'un voeu rimant plus avec la mort ou la perte de sa personnalité...).
On frémit guère, disais-je (on n'est pas obligé de tomber systématiquement dans le gore et la violence à tout crin mais Disney ne rime guère en général avec frisson et poils qui se dressent - il faut caresser nos bambins dans le sens de leur implantation capillaire) dans cette oeuvre où l'on suit deux gamins intrépides et curieux qui tentent "d'enquêter", d'observer cette curieuse foire maléfique. Au delà d'un usage flippant de tarentules (j'aime pas ces bêtes) ou d'une scène qui fait monter un tantinet la tension (ces deux gants noirs qui surgissent derrière nos deux bambins qui se cachent dans les rayons d'une bibliothèque), force est de reconnaître qu'on est rarement dans une ambiance flippante (l'usage systématique de nains pour jeter le "trouble" ou flirter avec l'étrange et l'inquiétant ne suffit pas toujours...). Dès le départ, en plus, la musique grandiloquente de James Horner fait un peu marrer (euh, John, tu as piqué un bout de la compo de Star Wars, tu le sais là ? - on ne remplace pas le Delerue avec 12 trompettes) et l'on sent que la chose va être un peu "paresseuse". Jason Robards a beau tirer une tronche de six pieds de long (Dis donc, il te fait pas penser à Jacques Ballutin sous cet angle - arrêteu d'empêcher les gens d'y croire), Jonathan Price a beau jouer les diables gentlemen aux propos diaboliques et vils, Pam Grier (si, Pam Grier dis donc) a beau jouer les méchantes sorcières, l'omniprésence des séquences avec les gamins si gentils et proprets qu'on les dirait tout droits sortis d'une production vintage de Spielberg empêche de ressentir réellement tout effroi véritable. Qu'ils sont mignons, le deux bouts de chou ! Les effets spéciaux ne sont guère plus inspirés (on fait dans le "rayon électrique bleutée") et seule peut-être la mort du méchant (oh ça va, ne la jouez pas "putain un spoiler", on est chez Disney, on aura droit à une fin forcément belle et douce...) vaut son pesant de cacahuètes - un joli vieillissement accéléré. Bref, je ne veux pas avoir la dent trop dure avec la chose (je vais tester cela sur ma gamine à la moindre occase pour voir si elle fera des cauchemars - nan, ça va je blague -, je ne prendrais guère de risque m'est avis...), d'autant qu'il y a en creux un ptit côté critique de toute "machine à entertainment qui veut servir la soupe aux personnes tristounes" qui fait plaisir à voir, mais Disney sort malheureusement grand vainqueur du bras de fer. Trop sage, Jack, pas assez pervers, mon ami eheh...