LIVRE : Le Réel n'a pas eu lieu de Michel Onfray - 2014

Onfray défrichât jadis l'histoire de la philo ; le voilà s'attaquant à une "contre-histoire de la littérature", commençant par un des bouquins les plus riches de l'Histoire : Don Quichotte. On se frotte les mains à l'avance : quoiqu'on en dise, l'érudition du bonhomme est indéniable, sa façon de chercher la petite bête et de casser les idées reçues aussi, sa pédagogie idem, et on s'attend à un déchiffrage précis des arcanes du textes de Cervantès. Un peu déçu au final : on dirait que cet essai n'a su adopter qu'un seul angle de lecture, et qu'il n'en sort jamais durant tout son cours. Du coup, une fois le concept connu et accepté, ce qui prend environ 10 pages, Onfray marche sur ses propres traces et se répète à tire-larigot, tombant bien souvent dans la périphrase, se contentant de résumer le bouquin sans rien ajouter de plus à sa réflexion. Le concept, donc : loin du héros romantique véhiculé par l'imagerie populaire, Don Quichotte est le symbole du déni de la réalité, celui qui préfère la fiction qu'il s'invente à la réalité. On peut donc le voir comme le frère des mystiques, des croyants, de tous ces gens (honnis bien sûr par Onfray) qui fondent toute leur vie sur la fiction sans voir la vérité des choses. A son opposé, Sancho est le bon sens, le pragmatique, le vrai sage de l'histoire (bien beau chapitre, d'ailleurs, sur l'utopie politique mise en place par ce dernier quand il devient gouverneur). Le livre fustige ainsi par la bande les dénégateurs d'aujourd'hui, politiciens refusant la culpabilité, cathos obtus, et balance au passage sur Freud ou le pape, ce qui ne coûte rien.

On le voit : Onfray reste Onfray, mépris des croyants et des psys en bandoulière, célébration de la vie dans ce qu'elle a de véritable, méfiance de l'imaginaire et les deux pieds bien sur terre. Mais répétons-le : ce concept, finalement assez simple, n'est pas assez riche pour faire un livre. Alors Onfray redit, reredit et répète encore, et trouve 15000 exemples dans le bouquin de Cervantès pour étayer sa thèse, qu'il rappelle à chaque fois ; on stagne, malgré le plaisir qu'il y a à retraverser ainsi Don Quichotte, dans une écriture qui plus est limpide et dynamique (à défaut d'être toujours très précise, petit relâchement de ce côté-là). Un essai un poil inutile, quoi. On espère que le prochain, qui devrait sortir on imagine, dans les 15 jours, sera plus profond.