Ex Drummer de Koen Mortier - 2007

Véritable exercice de provocation post-punk, Ex Drummer marque incontestablement des points au niveau de son mauvais goût et de son insolence hara-kiriesque. Au niveau formel, Mortier ne semble connaître aucune limite définie, et ose tout du moment que ça fait grincer des dents, met le cœur au bord des lèvres et regretter les épisodes de Maya l'Abeille. Paillard, scato, obsédé sexuel, violent, musicalement douteux, érigeant en personnages principaux une bande de dégénérés aussi crados que tordus et cons, le film est éprouvant pour les yeux, les oreilles et l'estomac. Il s'agit d'un groupe de rock (The Feminists...) constitué uniquement de gens qui ont un handicap : l'un est sourd, l'autre a un bras raide depuis que sa mère (chauve) l'a surpris en train de se masturber, et le troisième est un violeur et un tueur de femmes. Il leur manque le quatrième Beatles, en l’occurrence un batteur, qu'ils vont trouver en la personne d'une sorte d'ange noir qui décide que son handicap à lui sera qu'il ne sait pas jouer de batterie. Nos charmants amis, entre vomissements de bières, décibels saturés, viols de grosses et insultes, parviendront-ils à remporter le concours de chansons face à pire qu'eux ? Voilà pour le scénario, qui ne tient pas en compte les mille et uns autres détails amusants qui émaillent la chose : un gars doté d'une bite monstrueuse (on va faire un tour dans le vagin de sa femme, lors d'un grand moment de poésie), un vieux atteint d'Alzheimer mais armé jusqu'aux dents, un groupe d'homos ne rêvant que de s'enfiler tout ce qui passe, Arno qui éructe une chanson gore en recevant des gobelets dans la gueule (la musique du film est super), ce genre de détails rigolos...

C'est dans ses audaces de mise en scène que le film impressionne, beaucoup plus que dans ce scénario bâclé et pas finaud. Comme il y a 40000 idées, il n'y en a bien sûr que 5 ou 6 de vraiment bonnes, mais elles sont bonnes quand même. Notamment cette idée vraiment barrée de montrer qu'un des personnages vit chez lui la tête en bas, accroché au plafond, comme si de rien n'était, façon frontale de montrer son inadaptation ; comme ces frontières que la mise en scène trace systématiquement entre le batteur (soit-disant sain, mais en fait manipulateur et froid) et le reste du groupe ; comme cette caméra au poing comme prise dans un pogo, pour filmer le concert final (l'ambiance est parfaitement rendue) ; ou comme l'ensemble du montage, épileptique, certes épuisant à la longue, mais qui arrive très bien à évoquer le monstrueux chaos visé. On sent bien que tout ça est fait avec 5 euros, mais cette pauvreté ajoute encore de l'impureté au film, comme s'il en avait besoin. On songe au bien moins gore et bien moins impressionnant Trainspotting, on songe au bien moins rigolo Gaspard Noé, on songe à Kervern et Délépine, mais Ex Drummer va plus loin que tous ces gens dans l'horreur... quitte, c'était le danger, à tomber dans la complaisance et la gratuité des effets. Car, au final, cette forme spectaculaire cache le vide complet dans le discours (ce sera le même problème avec le film suivant de Mortier, 22 mei), qui se fait sentir clairement à la longue. Le final bâclé n'est que la touche finale de la chose : on se retrouve avec un objet de provocation sans but : un film punk, donc, oui, qui a les qualités brutales du mouvement nihiliste, mais aussi ses défauts (crétinerie et non-sens). Ceci dit, il faut voir Ex Drummer, parce que l'impureté est assez rare au cinéma pour ne pas rater un tel étalage de mauvais goût.