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25 mai 2012

Soudain le 22 mai (22 mei) de Koen Mortier - 2011

22_mei

Bien bel objet que ce 22 mei que nous a judicieusement conseillé un de nos lecteurs affûtés (ami Pierre, hommages), original et surprenant, mais qui, il faut bien le reconnaître, cache un vide un peu abyssal tout de même. On dirait une longue pub pour un produit dont on nous cacherait à la toute fin le nom, pour être vache ; sinon, pour être gentil, admettons qu'on reste quand même sur le cul devant la force visuelle du film. Il s'agit d'un vigile qui va assister à l'explosion d'un kamikaze dans le centre commercial où il travaille ; incapable de sauver les victimes (il s'enfuit de terreur), tourmenté par le fait qu'il n'ait pas réussi à empêcher l'attentat, il va passer le reste du film harcelé par les fantômes des morts, tentant désespérément de rattraper le destin en empêchant le jeune terroriste de commettre son acte meurtrier.

22_mei_05

Dès l'explosion, qui surgit puissamment au milieu du quotidien filmé dans sa plus simple expression, le film bifurque vers un style onirique parfaitement rendu, notre personnage évoluant au milieu d'un no man's land uniquement peuplé des spectres-remords qu'il doit affronter. Malgré le sujet, 22 mei n'est pas un film d'horreur (quoique) ; c'est plutôt un essai métaphysique légèrement wendersien (le physique du personnage principal rappelle d'ailleurs beaucoup Rudiger Vogler) sur la responsabilité, un voyage halluciné et lent dans l'enfer du remords. Et c'est vrai que Mortier est bon pour nous plonger dans cette atmosphère menaçante et ouatée à la fois : très longs plans séquence complexes qui suivent le personnage dans toutes ses déambulations, décors glacés et vides, profondeurs de champs qui alternent avec des gros plans soigneusement décadrés, violence qui arrive de façon très brutale dans ce calme apparent... Il envoie même un dernier quart d'heure en forme de feu d'artifices, avec cette explosion filmée au ralenti et ces corps qui sont éjectés dans tous les sens en une chorégraphie aussi emphatique qu'impressionnante. Bref, au niveau technique, le film est fort, et on l'aime de toute façon pour ça : sa façon (toujours justifiée) de nous en mettre plein les mirettes. Le scénario, de son côté, va souvent sur des pistes qu'on n'attendait pas, faisant sans cesse entrer de nouveaux personnages, se complexifiant sans arrêt pour mieux revenir incessamment sur ces secondes traumatiques (qui précèdent l'explosion). La scène en question est sans cesse refilmée sous des angles différents, ajoutant grâce à l'intelligence du cadre des détails de plus en plus nombreux à la séquence initiale. Bien vu. Bon, Mortier se perd parfois un peu dans sa volonté de surprendre, comme quand il change subitement de point de vue sans raison, jongle avec les narrateurs sans se rendre compte que le film y perd en introspection. Mais cette volonté de toujours être là où on ne l'attend pas est tout de même ambitieuse et réussie.

Toon_Aerts_040_22_mei__2010

Après, comme je le disais, on peut regretter que cet arsenal ne serve pas à grand-chose dans le fond, et que le film ne soit qu'un brillant écrin vide. On ne trouvera pas là-dedans une quelconque matière à réflexion, ni même, avouons-le, à émotion : le film est glacial à force de concepts, totalement dénué d'empathie avec ses personnages antipathiques, uniquement concentré sur son protocole esthétique et pas assez sur les éventuels enjeux de sa trame. On reste un peu sur sa faim, convaincu que Mortier est un grand esthète, mais pas forcément un brillant penseur. Tant pis : 22 mei, c'est du cinéma de spectacle, et spectacle il y a.

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