LIVRE : Conte de Fées à l'usage des moyennes personnes de Boris Vian - 1943

Pas un grand fanatique de Boris Vian d'ordinaire, mais je dois reconnaître que ce petit texte de jeunesse me ravit à chaque lecture. Il s'agit d'un petit machin franchement bancal, franchement bâclé, franchement sans conséquence, mais c'est fait avec beaucoup de naïveté et en dehors de toute ambition. Son épouse de l'époque étant malade et alitée, le gentil Boris a troussé ce petit conte en deux-trois jours pour la faire rire et oublier sa fièvre, c'est mignon. Le résultat a dû se faire gondoler la dame : des jeux de mots(bylette) ineptes, une histoire qui part en sucette à chaque paragraphe, des personnages ridicules, des non-évènements toutes les 3 lignes... C'est du grand n'importe-quoi festif, brossé à grands traits dans une écriture dynamique et parfaitement hilarante. C'est surtout une critique frontale bien que bon-enfant du système d'écriture des contes, ce qui ne peut qu'être louable : à chaque fois qu'un coup de théâtre approche, Vian fait monter le suspense de façon hyper-artificielle ("quand soudain - ô surprise !"...") avant de balancer une chute sans aucun intérêt et passer à autre chose. Du coup, l'histoire est un grand fourre-tout de motifs obligatoires (fougueux destrier, trésor enfoui, gnomes méchants, sorcières), mais réduits à de pauvres marionnettes tournant en rond. Comme si le genre du conte de fées se prenait les pieds dans le tapis de ses conventions millénaires et soûlantes. Ca n'hésite pas, en plus, à être parfois gentiment grivois (la princesse se tape le cheval, quand même) voire impoli. La fin est parfaite : sa femme étant visiblement guérie, Vian laisse tout tomber en trois lignes et retourne à sa trompette. Conte de Fées à l'usage des moyennes personnes est le texte idéal pour ne pas trop prendre la littérature au sérieux, et c'est charmant.