Diva de Jean-Jacques Beineix - 1981
Rhôô que ça fait plaisir de revoir ce film mythique 25 ans après, surtout quand a priori on craint de tomber sur un truc complètement dépassé et ringard. C'est étrange, mais Diva n'a pas trop vieilli, malgré l'esthétique hyper-80's et les poses d'artiste maudit du bon vieux Beineix. Bien sûr, c'est souvent à la limite du ridicule, vu avec les yeux d'aujourd'hui : décors dignes d'un clip de Jean-Pierre Mader, musique au synthétiseur absolument inaudible, personnage de salaud interprété d'un bloc par Jacques Fabbri (qui est à lui seul le comble du ringard, un peu comme si Beineix avait choisi Pierre Mondy)... Beineix se la joue à mort, avec ses personnages légèrement décalés (Bohringer qui épluche les oignons avec un tuba, Pinon en tueur à l'oreillette, Thuy An Luu (qui ça ?) en petite fille fashion et sexy) et ses inspirations romantico-rock'n roll (les plans sur les décors de phare dans la dernière partie sont des avant-goûts de 37°2 le Matin). On sent qu'il cherche absolument à rentrer dans la légende, alors qu'il ne filme qu'un vague polar très classique à la Jacques Deray.
Mais le fait est que ça tient la route, peut-être justement par ce style hyper-voyant et très fier de lui. Les détails de mise en scène sont souvent inventifs : la jeune nana qui sillonne un loft avec des patins à roulettes, le couple de tueurs caricatural mais très fun, le puzzle de Bohringer, le motif de la vague qui revient sans arrêt, jusqu'à cette idée quand même barrée de faire d'un facteur mélomane le personnage principal du film. Si Beineix reste au plus près de sa trame policière, il se laisse joliment aller à des digressions sensibles, comme ces travellings aériens sur les personnages à chaque apparition de cet air d'opéra effectivement magique. Diva est un film dédié à la musique, dont le point de départ est la fascination d'un jeune gars pour une chanteuse dont la voix le transporte, et tout est fait pour que le rythme très lent de cette musique imprègne le film. Il y gagne un aspect épuré, alors même que la réalisation est crâneuse à mort. Ce hiatus entre sensibilité toute simple et mégalomanie d'artiste est troublant et vraiment agréable. Pour ces quelques moments hors du temps, on pardonne à Beineix toutes les ringardises du monde (une poursuite en mobylette hilarante, des personnages secondaires nullards). Finalement, le film réussit le pari de passer la barre des fatales années 80, et devient un objet intemporel plus qu'un témoin de son époque. Une sorte d'anti-Subway, somme toute.