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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
17 février 2020

Frenzy d'Alfred Hitchcock - 1972

Après Topaz, Hfrenzy_eye2itch retrouve un semblant d'élan, mais il faut bienfrenzy_eye7 se rendre à l'évidence : la chute du grand aigle continue. Frenzy est privé de toute émotion, qu'elle soit de l'ordre du suspense, de l'humour ou du simple plaisir de spectateur. On retrouve bien, ça et là, quelques bribes d'inspiration, quelques idées mignonettes et finaudes, mais c'est plus parce qu'on les cherche avidement qu'autre chose. Ainsi, on a droit à un très habile travelling hawksien lors du second meurtre : le serial-killer entraîne sa victime dans son appartement, ferme la porte, et la caméra glisse doucement le long de l'escalier, puis sort dans la rue animée, comme pour éviter pudiquement la violence. Cela tranche d'autant plus avec la première scène de meurtre : si elle est impressionnante justement par sa frontalité et sa crudité, elle est trop loin de l'univers habituel de Hitch pour remporter pleinement l'adhésion : où est le metteur en scène génial des meurtres de Psycho ou de Torn Curtain ? Ici, Hitch compense sa mollesse d'inspiration par une violence qui frôle la vulgarité. Beau travail cela dit, dans cette scène, sur les regards, les rythmes et les bruits.

fg_frenzy_bDans les autres points positifs, notons quand même la scène très macabre où l'assassin est obligé de pêter les doigts d'un cadavre pour récupérer sa broche ; un méchant tout à fait crédible, bien salopard et très class (George Sanders a fait des petits) ; un beau travail sur la langue (le film est à voir en VO, mais est-ce besoin de le préciser?) ; et quelques jeux amusants sur les silences.

A part ça on reste surtout perplexe devant l'humour de Bouddha : si son esprit égrillard et taquin faisait merveille il y a quelques années, on assiste ici à des dialogues absolument vulgaires, voire dignes de la pire beaufitude. Que ce soit dans les deux scènes entre le flic et son épouse (gniarf gniarf la cuisine française) ou dans les nombreuses considérations sur les femmes (c'est Laurent Gerra qui a fait les dialogues, c'est pas possible), Hitch faitfrenzy_02 montre d'une mentalité de pépé. Le pire est atteint au cours d'une courte conversation où le viol est traité comme un fantasme féminin (la serveuse d'un restau qui rougit d'envie quand elle apprend qu'une femme a été violée avant d'être étranglée). C'est du ras-la-moquette, ni plus ni moins. Enfin, Hitchcock tente de se mettre à la mode (il peut aller se coucher au niveau des costumes et des coiffures) et de filmer le sexe (violent, donc), mais là aussi, on reste bouche bée. On a bien la confirmation que Bouddha est terrorisé par "l'acte" : une femme récite un Notre Père pendant le coït, on filme des femmes nues et désarticulées dans les lumières blafardes des phares, on montre une main qui remonte pudiquement un soutien-gorge... Diable, à côté, Woody Allen est sexuellement sain.

Pour le reste, acteurs, musique, rythme, photo, on est dans le juste milieu, dans le ni-mauvais-ni-bon, ce qui, sous la plume d'Hitch, est tout de même très décevant. A voir pour constater la mort d'un grand.  (Gols 01/11/06)


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Ah oui, Gols peut donner l'impression ici d'avoir la dent dure (avec son idole) mais qui aime bien, châtie bien... Et difficile pour ma part de lui donner tort : où est le grand Hitch dans cette escroquerie de meurtres ? Si le cinéaste aime encore à nous donner un petit coup de frisson avec ses plans soudains sur des cadavres de femmes à la langue torve (une fois, cela fait son petit effet - après cela devient presque un gimmick comique), avouons que le rythme traîne méchamment des pieds (on aurait pu en couper la moitié sans crier au crime). Comme l'ami Gols, je me suis extasié (enfin, restons sobre) devant un très joli travelling arrière effectué en pleine rue (lorsque le tueur ramène sa proie chez lui) puis lorsque cette caméra n'ose s'inviter sur les lieux du crime et fait machine arrière – un plan séquence avec un raccord un peu douteux mais passons (une « pudeur » un peu surprenante, certes, après nous avoir montré dans la longueur le précédent crime... mais passons) : on retrouve-là une idée surprenante et originale de mise en scène qui produit son petit effet (on attend le cri qui déchirera la journée)... Mais pour le reste, brrr... Cette scène dans le camion de patates dure trois heures et le cassage systématique des doigts tire lui aussi au longueur ; qu'il récupère sa broche, ce tueur à la con, et qu'il tente rapidement une nouvelle couleur (blond vénitien avec des reflets roux, pour un tueur, c'est quand même pas bien malin). Si la musique de Ron Goodwin n'a rien de scandaleux (on sent le bon disciple d'Herrmann, tranquille), le jeu des acteurs, franchement, est un peu léger... On a du mal à comprendre comment Hitchcock a choisi ses acteurs et en particulier ses actrices : après les beautés froides et fatales, nous voici devant deux oisillonnes qui ne jouent qu'avec leur bec. De là à donner raison au tueur, il n’y aurait qu’un pas... Un tueur d'ailleurs dont les motivations psychologiques restent floues jusqu'au bout : sadique, mouais, il n'empêche qu'il fait l'amour comme s'il était sur une balançoire - on se marre devant cette séquence un peu ridicule et on y croit autant qu'Hitchcock à la barre fixe. Quant à l'histoire éternelle de faux coupable, il faut reconnaître qu'ici (après des chefs d'œuvre du genre), on a terriblement l'impression d'assister à un repas servi froid - l'idée ne fait plus recette, surtout quand elle est traitée de façon aussi molle (le moustachu recherché fait autant d'effort pour se cacher que sur son look - l'idée ne lui vient pas d’ailleurs de se raser la moustache...). Deux trois plans chocs et un maître du genre qui laisse son génie dans ses pantoufles. Alfred is almost dead.   (Shang 17/02/20)

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Commentaires
M
Je vous trouve très durs avec "Frenzy", qui ne vaut certes pas "Vertigo" ou "Les enchaînés", ni même "Une femme disparaît". Dans la plupart de ses films des années trente à soixante, tout a une certaine classe. Avec "Frenzy", mais aussi dans "Complot de famille", Hitchcock fait dans le vulgaire, dans la laideur. Même le faux coupable est antipathique. Je me demande s'il n'a pas voulu cette outrance.<br /> <br /> <br /> <br /> Par exemple, la très longue scène dans la camionnette. Entre les sacs de patates, le cadavre qu'il faut retrouver, les doigts qu'il faut casser un à un, on est dans l'humour noir, crade, sordide. Ca n'en finit pas. Le blondin se donne un mal fou, il sue, il doit chercher le bon sac, en tirer le cadavre, y a des pommes de terre qui roule de partout, il est couvert de poussière et, quand il faut récupérer le bijou, il se donne un mal de chien pour briser les doigts. A tel point qu'il en est ridicule, grotesque.<br /> <br /> Tout est exagéré, hénaurme, comme la femme violée que vous avez choisie en illustration, et celle, morte aussi, dont on voit les seins. (A ma connaissance, c'est la seule fois chez Hitchcock.)<br /> <br /> <br /> <br /> C'est tout. Ca vaut ce que ça vaut, bicoze je suis juste un zigue qui aime regarder de bons films, sans être, hélas ! un cinéphile.
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K
je t'avoue que moi non plus n'avais pas vu le parallèle, et ne suis pas tjrs pas convaincu que les oiseaux soient cette allegorie misogyne, taylor étant l'homme pour lequel tant de femmes se battent (c'est l'explication que donne le gars, critique pro je précise), tant elle me semble tirée par les cheveux. mais bon, comme tu dis, pkoi pas
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G
Je ne suis pas sûr que le parallèle avec les femmes dans The Birds soit vraiment pertinente, franchement. Je ne vois pas trop sous quel angle cette théorie peut se vérifier. Mais il faut dire que The Birds est d'une telle richesse, que pourquoi pas après tout...<br /> Oui, Frenzy est plutôt pas mal, je dis pas, mais pour moi je l'aime uniquement parce que c'est un Hitch vieillissant, et qu'il est mieux que le précédent (Topaz). Emblématique de ces années là, admettons, même si je préfère les films de Powell s'il s'agit de décrire la "libération" des années 70. Ni bon ni mauvais, ai-je dit, et je confirme.<br /> Quant à la mysoginie de Bouddha, je ne suis pas sûr non plus, je ne sais pas. C'est plutôt à mon avis une réputation dûe au fait qu'il considère les acteurs en général comme des outils, au même titre que le chef op' ou le scénariste, ce en quoi je suis persuadé qu'il n'a pas tort. Du coup, certaines de ses actrices-stars l'ont mal pris, et lui ont fait cette réputation (Carole Lombard par exemple). Dans ses films, il y a aussi souvent la trace d'une mysoginie gavante (comme dans Frenzy, pour le coup vraiment ringard de ce côté-là) que d'une grande fascination pour les femmes, et d'un grand respect. Je trouve par exemple qu'il cerne très bien la psychologie féminine dans Notorious ou dans Under Capricorn, même si dans d'autres films, sa vision du beau sexe laisse à désirer (Rear Window, Manxman, Mr & Mrs Smith...)
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K
bah oui je trouve le blog shangols plutôt dur avec ce film qui somme toute est bien dans le ton de ce ciné des annees 70 qui se libère, de ce ciné qui n'a plus de besoin de finasser avec des codes (la je pense aux pb de ce pauvre wilder avec le fameux code Hayes) pour dire les "choses". Sinon eh bien, il faut quand même savoir qu'hitchcock n'était pas franchement qqn de sympa avec les femmes, du moins si on peut croire ce qu'on lit. le plus bel exemple de cette preuve de misogynie que j'ai d'ailleurs pu trouver en farfouillant les rayons des bibliothèques étant probablement ses "oiseaux" - femmes en anglais argotique-,qu'il tourne en 196???. Vu les dégats que ceux-ci commettent et si l'on peut faire l'association oiseau/femme - inutile de dire, je crois, que le film peut se revele extremement sexiste
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