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19 octobre 2006

LIVRE : Les Cahiers de don Rigoberto de Mario Vargas Llosa -1997

uploaded_7301_1_Je suis un fervent admirateur de l'oeuvre de Llosa que je tiens pour l'un des plus grands écrivains péruviens -ça tombe bien vu que je ne connais que lui apparemment - des récits "policiers" mettant en scène Lituma à l'émotion adolescente et tendu de La Ville et Les Chiens (merci mon Bibice) en passant par la richesse anthropologique de L'homme qui parle ou l'érotisme de l'Eloge de la Marâtre dont ces Cahiers sont la suite.

Dona Lucrécia et don Rigoberto se sont séparés depuis que Fonfon, son enfant naturel, a couché avec sa belle-mère -oui c'est un soupçon pervers. Si Rigoberto se réfugie dans ses références culturelles multiples -peinture (Picasso ci-contre, période... "ndziwne_1_1_ue") et littérature en particulier - c'est pour mieux fantasmer sur la femme de sa vie, dont il regrette éperdument la perte. Il écrit également à ses moments perdus des lettres aux Rotariens (10 pages de pur bonheur), aux fondateurs de Playboy ou de Penthouse, aux sportifs, des diatribes sanglantes qui rassurent sur la conception de l'être humain (Llosa, c'est quand tu veux pour un apéro). Pendant ce temps, Lucrécia et Fonfon continuent de se voir non point pour des rendez-vous coquins mais plutôt pour laisser cours aux divagation de ce dernier sur un peintre qu'il admire Egon Schiele (d'où les autres tableaux ci-contre). Que dire sinon qu'il s'agit de 400 pages de pur plaisir, faisant de Llosa l'un des plus grands écrivains tout court. Allez, petite sélection personnelle d'extraits, c'est plus fort que moi...:

Rigoberto, citant Francisco Pérez de Anton dans sa lettre aux rotariens: "Un troupeau, comme l'on sait, est composé de gens privés de parole et pourvus d'un sphincter plus ou moins faible. C'est un fait avéré, en outre, qu'en période de confusion, le troupeau préfère la servitude au désordre. De là que ceux qui agissent comme des boeufs n'aient pour leaders que des peaux de vache. En vérité notre espèce humaine doit être bien moutonnière si l'on pensschiele_egon_donna_seduta_7700203_1_e qu'un quelconque dirigeant est capable de la (...) jusqu'au bord de la falaise et de la faire sauter dans l'eau. Quand il ne lui prend pas l'envie d'exterminer une civilisation ce qui est aussi assez fréquent".

Il enchaîne: "Telle est ma thèse: être rotarien est un prétexte pour passer de bons moments masculins, à l'écart de la vigilance, servitude ou gravité qu'impose, d'après vous, la cohabitation avec la femme. Cela me paraît aussi anticivilisé que la paranoïa des féministes récalcitrantes qui ont déclarée la guerre des sexes. Ma philosophie est que, dans les cas inévitables de résignation au grégarisme - écoles, travail, loisirs -, le mélange des genres (et ds races, langues, coutumes et croyances) est une façon d'amortir la crétinisation que comporte en soi le compagnonnage et d'introduire un élément piquant, malicieux (mauvaise pensée dont je suis un pratiquant résolu), dans les relations humaines, quelque chose qui, à mon point de vue, les élève esthétiquement et moralement."

Passage sur l'exaltation et défense des phobies:"Il n'y a pas de manie ou de phobie qui manquent de grandeur, étant donné qu'elles constituent l'originalité de l'être humain, la meilleure expression de saEgon_20Schiele_1_ souveraineté".

"Ma haine pour Playboy, Penthouse et les autres n'est pas gratuite. Ce spécimen de revue est un symbole de l'encanaillement du sexe, de la disparition des beaux tabous qui l'entouraient d'ordinaire et grâce auxquels l'esprit humain pouvait se révolter, exerçant la liberté individuelle, affirmant la personnalité singulière de chacun, et l'individu souverain se créer peu à peu dans l'élaboration, secrète et discrète, de rituels, conduites, images, cultes, fantaisies, cérémonies qui, ennoblissant éthiquement et conférant une catégorie esthétique à l'acte amoureux, l'avaient désanimalisé progressivement jusqu'à en faire un acte créatif. Un acte grâce auquel, schieledans l'intimité réservée des alcôves, un homme et une femme (je cite la formule orthodoxe mais évidemment, il pourrait s'agir d'un monsieur et d'un palmipède, de deux femmes, de deux ou trois hommes, et de toutes les combinaisons imaginables à condition que la distribution ne dépasse pas le trio ou, concession maximale, les deux paires) pouvaient rivaliser pour quelques heures avec Homère, Phidias, Botticelli ou Beethoven".

"Aussi quand quelqu'un dit autour de moi "le Chinois", "le Noir", "les Péruviens", "les Français", "les femmes" ou toute autre expression équivalente avec la prétention de définir un être humain par son appartenance à une collectivité de tout ordre et non comme circonstance négligeable, j'ai envie de sortir mon revolver et -poum poum - de tirer. (Il s'agit d'une figure poétique évidemment; je n'ai jamais eu d'arme à feu dans la main, ni n'en aurait, et je n'ai tiré d'autres coups que les séminaux, que je revendique, eux, avec un orgueil patriotique)".

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