Smith le Taciturne (Whispering Smith) de Leslie Fenton - 1948
Voilà un western qui vous laisse un goût de rien dans la bouche. Tout y est tellement correct que tout y est lisse, et on aura bien du mal à trouver autre chose qu'un (tout juste) honnête travail d'artisan en série dans cette oeuvrette sans sel. A peine note-t-on que Fenton est assez habile pour restituer le contexte choisi avec précision : le monde du rail au temps du Far-West hostile. Entre les bandits qui font leur beurre sur le braquage des trains, les "démolisseurs" qui détournent les marchandises des trains déraillés, les gardiens complètement dépassés par tout ça, on est plongé dans un monde crédible, bien documenté, et qu'on voit assez peu dans les films de genre habituels. Le héros est une sorte de détective privé engagé par la compagnie des chemins de fer pour mettre fin aux exactions des frères Barton, qui te pillent du convoi comme d'autres pointent à l'usine ; sur place, il retrouve son ex-gorette, qui, lasse d'attendre que le gars se range et la marie, a fini par épouser son meilleur ami et frère de lait. Celui-ci fricote douteusement avec la pègre du coin, et notre Smith va avoir du pain sur la planche entre écarter son pote de la gabegie, lutter contre ses érections face à la donzelle et combattre les frères Barton et leurs comissionnaires véreux.
Le film, de toute évidence privé de moyens, multiplie les plans moches et les à-peu-près. Des transparences constantes et maladroites, des faux raccords à répétition, des scènes très bavardes pour compenser l'action... Fenton a envie, on le sent, de faire des choses, et par-ci par-là on remarque une jolie ellipse (un travelling coupé par une locomotive sert de jonction entre deux plans), ou un cadre bien travaillé (quelques beaux intérieurs). Mais ça ne suffit pas : le film est raté formellement. Et côté acteurs, ce n'est pas terrible non plus : mis à part la douce et tourmentée Brenda Marshall, on a là un défilé de seconds couteaux qui manquent cruellement de charisme. On nous avait prévenus dès le départ : Smith est taciturne et ne s'énerve jamais. Alan Ladd invente donc un jeu hyper fade, qui consiste à ne jouer qu'avec la bouche, tout le reste du corps et du visage restant figés comme s'il avait fait un AVC la veille ; quant aux méchants, entre l'homme de main à la perruque de travers et le parvenu au rire sardonique, on ne peut pas dire qu'on soit comblé niveau subtilités. Allez, on apprécie quand même cette lutte fratricide et le côté immaculé du héros, prêt à tout sacrifier, honneur, gonzesse, vie et réputation, pour sauver la peau de son pote pourtant ingrat, et qui donne quand même, fait rarissime, une larme coulant sur la joue du cow-boy à la toute fin. Mais autant le dire : Whispering Smith ne restera pas dans les mémoires, m'est avis.
Go old west, here