Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
31 décembre 2023

Fermer les Yeux (Cerrar los Ojos) de Victor Erice - 2023

1684335204464

Voilà du solide cinéma à l'ancienne comme on n'en fait plus. Erice, avec sa petite poignée de films étalés sur 40 ans, est un des derniers représentants de cette génération de réalisateurs soigneux et signifiants qui connaissaient la valeur d'un plan ou d'un mouvement de caméra. Et d'une scénario aussi, on s'en rend compte en voyant ce beau Fermer les Yeux. La trame est parfaitement gérée, avec une claire montée en puissance au fur et à mesure du film : de la scène magnifiquement vintage du début (une sorte de pacha engage un détective pour retrouver sa fille disparue), il déploie une série d'intrigues à tiroirs qui nous emmène assez loin dans l’introspection d'un homme. Cette première scène est en effet un petit bout d'un film inachevé réalisé jadis par Miguel Garay, vieillissant cinéaste désormais en panne complète de travail et d'inspiration. Inachevé pour cause : son acteur principal, Julio Arenas, a subitement disparu du tournage et de la circulation. Accident ? Suicide ? Dépression ? A la faveur d'une mission de télé un peu racoleuse, Garay va se lancer à la recherche de l'acteur disparu... et surtout à la sienne, hanté qu'il est par un passé mal assumé et une nostalgie tenace.

Sans titre

C'est beau, ces films sur le cinéma. Erice se montre diablement habile pour ressusciter les fantômes de ce vieux cinéaste, et les siens par la même occasion : l'apparition extraordinairement mélancolique d'Ana Torrent dans le film en dit autant sur l'état d'esprit du personnage que sur celui d'Erice lui-même. Tout le métrage est nimbé de cette tristesse latente, qui ne s'exprime jamais dans les cris mais au contraire prône une lenteur et un blues constants. Il prend en effet tout son temps pour nous livrer le portrait de ces deux hommes, tous les deux aussi frappés par le spleen l'un que l'autre. Ce qui les relie encore un peu, c'est ce film inachevé, qui va peut-être, l'espace de quelques plans, réssusciter quelque chose d'une époque perdue : du pouvoir du cinéma sur l'oubli, la tristesse et le temps qui passe. Proustien parfois, dans ses rythmes et dans sa façon de travailler la thématique du temps, Fermer les Yeux est parfois un peu chiant, c'est vrai, à force de scruter de façon presque hagarde ces visages vieillissants et ces acteurs qui font la gueule. Mais il n'en reste pas moins un film très émouvant, aux symboles judicieux et discrets, à la thématique puissante, et surtout à la mise en scène impressionnante de maîtrise. (Gols 30/12/23)

1 P-OwXfZI75KMk6nxmMiQKw


vlcsnap-2023-12-31-12h45m59s638

Magnifique début et fin (sous le regard, forcément, de Janus), avec une ouverture (à l'iris ?) où il est question d'un ultime regard (que l'on aimerait poser sur la fille aimée) et une clôture (en salle obscure) où le fameux "regard d'adieu" dont il est question tout au long du film finit par se poser sur le propre responsable de ce regard. La boucle est bouclée, la bande (de film... perdu ? oui, au sens où aucun spectateur n'avait pu mettre jusqu'alors les yeux dessus) est projetée et cette dernière séquence semble vouloir concentrée en elle les multiples thèmes du film : un film (sur bande) porteur de "mémoire(s)", permettant (ou pas ?) à notre amnésique de retrouver éventuellement la sienne et convoquant au sein de ladite salle, la fille qui a perdu son père, les soeurs qui ont permis à notre amnésique de retrouver un semblant de vie, le réalisateur à la recherche de cet ami perdu, l'amante d'un temps oublié, englouti, plus ou moins retrouvé... On apprécie en effet ce récit lancinant qui prend tout son temps pour nous faire approcher ces protagonistes qui doivent chacun vivre avec une "absence" ; que ce soit une bande de film qui permette de réunir tous ces êtres un brin égarés en dit forcément long sur ce cinéma-là et sa capacité de madeleine proustienne - ravivant ainsi toute une époque, voire toute une vie... On prend un peu son mal en patience le temps de cette longue enquête qui nous amène jusqu'à ces sœurs qui préservent précieusement la vie de cet homme sans plus de repères mais sans trop de peine ; les regards que le réalisateur pose sur cet homme dont il aimerait tellement ranimer la flamme amicale contrastent forcément avec ceux que cette fille pose sur ce père qui s'est perdu en route, qui l'a perdu en chemin... C'est une émotion relativement "mesurée" qui émane de cette œuvre où, malgré cette longue attente des retrouvailles, une véritable sérénité, une certaine sagesse transpire. Chacun tente de renouer, avec plus ou moins d'envie, d'espoir, avec les fils de ce passé, de ce confronter avec ces souvenirs et ces manques... C'est très beau, tous ces regards qu'Erice parvient à capter au cours de ce film qui a la saveur d'une étrange balade dans un cinéma d'outre-tombe. Un film fragile et apaisant, comme des paupières qui doucement se closent (comme pour mieux faire surgir, dans le noir, des images d'un passé dépassé). Belle œuvre toute en douce nostalgie. (Shang 31/12/23)

vlcsnap-2023-12-31-12h47m16s210

Commentaires
D
Oui Eurice maitrise son art, le cinéma, au point de nous donner malicieusement ce qu'on attend de lui: par exemple le défilement du temps, le temps du film comme le temps en dehors, en abîme ( Eurice c'est 3 films en 40 ans grosso modo) , lui qui filme si peu mais si bien. Et Ana Torent qui a sa scène lourde de sens. Pour les cinéphiles dans mon genre (les shangols je sais que vous en êtes ), le fan service est parfait
Répondre
Derniers commentaires