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7 décembre 2023

N'attendez pas trop de la Fin du Monde (Nu astepta prea mult de la sfârsitul lumii) (2023) de Radu Jude

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Voici donc le film qui peut se targuer, outre sa présence dans différents top 10 en cette fin d'année, de l'affiche la plus laide de la décennie... Bref. On retrouve le gars Radu Jude toujours aussi caustique dans cette œuvre qui se déroule sur trois niveaux : si on suit en fil rouge les pérégrinations d'une certaine Angela (chauffeur de taxi mais également responsable de casting pour le tournage d'un clip sur des personnes devenues handicapées sur leur lieu de travail), on aura également droit de façon sporadique aux mini vidéos que cette dernière tourne sur son téléphone pour les réseaux (sous le pseudo de Bobitza et à l'aide d'un filtre cradingue (où elle apparaît chauve et barbu - une horreur), elle tient des propos d'un machisme bigarré et bigardesque assumé tentant d'atteindre ainsi des sommets de provocation dans la vulgarité et les prises de position politiques extrêmes - cela se veut bien sûr du second degré...) ainsi qu'à des extraits de films (Angela poursuit sa route d'un certain Bratu, qui date de l'époque Ceausescu, au début des années 80) montrant, également, dans la capitale roumaine, le cheminement d'une chauffeur de taxi... Une autre Angela donc, que va croiser quarante ans plus tard notre héroïne lors d'un tournage sur une personne en fauteuil. Différentes couches, so, qui s'imbriquent les unes dans les autres...

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De quoi est-il vraiment question ici ? Si la caméra de Jude passe une grande partie de son temps au côté d'Angela conduisant, on se rend rapidement compte que cette dernière passe son temps à se faire klaxonner et copieusement insulter par des hommes (of course), devant tracer sa voie au milieu d'un trafic extrêmement dense... Un monde terriblement violent au quotidien, qui tranche (paradoxalement ?) avec ces extraits d'un autre temps, d'une autre ère (un ciel bleu, un trafic moindre...), sûrement pourtant guère plus jouasses (on sait, Ceausescu n'était pas un enfant de chœur)... Certes notre héroïne est filmée dans un noir et blanc grisâtre avec une ambiance sonore qui suinte, ce qui renforce cette impression d'agitation et de speed de ces temps modernes, par rapport à l'atmosphère presque sereine du film de Bratu (Jude, cependant, n'est pas dupe et nous sert quelques ralentis bien sentis sur ce film pour montrer en particulier  le regard peu amène des hommes sur notre chauffeur ou pour attirer notre attention sur des éléments du décor (des buildings peu avenants, des figurants peu reluisants) que la censure n'est sans doute pas parvenue à totalement dissimuler). Mais cette violence, elle transparaît sûrement encore plus à travers son avatar, Bobitza déversant des monceaux d'insanités sexuelles et provocatrices (je ne pensais pas avoir un jour à imaginer Bobby Ewing se faisant sucer par sa mère sans dentier... fi...) : une parodie qui semble à l'image (triste) de ce monde (présent, à venir ?) sans mesure, sans limite, où la connerie des hommes est de plus en plus en free lance... Une époque violente que renforcent bien sûr les objectifs de la boîte qui emploie Angela : si cette boîte est prête à faire des clips et à payer (500 balles, une misère) des ouvriers handicapés pour qu'ils fassent passer le message suivant : "il est important de bien mettre son casque sur un chantier", c'est surtout pour se dédouaner de toute responsabilité par rapport à ces accidents... Lors d'une ultime séquence (infinie), on verra toute la mise en scène qui est faite autour d'un de ces ouvriers handicapés : quoiqu'il fasse pour essayer de dire la vérité, il ne pourra parvenir à ses fins - tout sera en effet finalement filmé pour que l'on puisse contourner ses propos... Triste monde au demeurant...

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Certes, notre Angela moderne n'est pas a priori la dernière pour invectiver les autres et n'a pas la langue dans sa poche. Mais contrairement à son apparence un peu punk, c'est elle (notamment avec sa boss) qui essaie de placer la discussion sur un certain niveau littéraire et culturel (Jude n'aura de cesse tout au long du film de placer d'ailleurs des citations ou des anecdotes sur le cinéma) : toutes ses tentatives sont vouées à l'échec face à cette boss autrichienne ultra-suffisante et inculte (qui descend pour autant de Goethe... qu'elle n'a jamais lu mais sur lequel elle a quand même son petit avis personnel...). On sent que notre Angela, féministe moderne qui s'emploie tant et plus au cours de la journée pour gagner sa croute, (le film suit une seule de ses journées... on comprend pourquoi, a posteriori, la bougresse est aussi ronchonchon au réveil...) doit se battre au quotidien pour essayer de se faire entendre, pour tenter de faire émerger sa petite voix (peu entendue des hommes : même quand elle leur demande de jouir dans sa bouche, il faut que le type sperme sa robe... ah mon dieu...). Une combattante des temps modernes dans un monde qui part en gabegie, l'Etat se montrant aussi peu prévoyant et respectueux envers ses citoyens (cette séquence qui fait froid dans le dos avec toutes ces croix en bordure de route - autant d'accidents de la route qui n'ont conduit à aucun travaux d'aménagement routiers) que ces compagnie étrangères qui viennent travailler en Roumanie (la boîte d'Angela exploitant également les forêts du pays - normal, dit en substance sa boss, si l'état, corrompu, donne la permission et si personne ne manifeste... ok)... Une œuvre pleine comme un œuf, qui fait feu de tout bois (la Roumanie n'est pas un pays de Cocagne, a priori), qui tire un peu dans tous les sens, menée par une héroïne charismatique à bout de souffle. Roboratif, grinçant et un peu épuisant, à tout prendre.

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