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29 octobre 2022

LIVRE : Les presque Soeurs de Cloé Korman - 2022

phpWKuYJLOn sent bien dès le départ que le sujet ne va pas franchement prêter à rire : six petites filles, de deux familles différentes, après que leurs parents ont été eux-mêmes conduits dans des camps (ou ont pu s'échapper in extrémis), vont se retrouver ballotter de camps en maisons d'accueil entre 1942 et 1943 ; six petites filles, dont, certaines, on le sait, parviendront à survivre, à passer entre les mailles, à s'échapper sur le fil, d'autres non... Sujet sérieux traité avec une belle rigueur par Korman (qui évoque ici ses propres  nièces), avec un vrai souci de la reconstitution géographique (elle revient sur tous les lieux où sont passées les gamines) et historique. Des témoignages, des lettres, des recherches dans les archives, toutes sortes de choses sont convoquées pour retracer le plus fidèlement possible la trajectoire, le destin mais aussi les états d'âmes de ces six gamines, finalement miraculées - ou pas. Oui, bien sûr, on voit bien que le sujet baigne dans une constante émotion à fleur de peau (assassiner des personnes en masse, c'est déjà le summum de l'horreur mais des enfants de trois ans ?) mais Korman parvient à joliment éviter tous les écueils dans la surenchère émotionnelle. On ne peut s'empêcher tout de même, tout comme elle, tout en restant dans une froide colère, de voir le rôle essentiel tenu alors par la police française, un rôle que l'on a toujours essayé de cacher en partie, de minimiser (la censure d'une photo dans Nuit et Brouillard, sortie dans les années 50 : il ne fallait pas montrer que le flic qui tenait le camp était français) mais qui est indéniable pour ne pas dire crucial (les autorités françaises ne voulaient point se retrouver avec des dizaines d'enfants sur les bras... ah malheur... la "grandeur française" telle que n'en parle jamais un certain Zemmour, une certaine Le Pen, etc...). Du coup, oui, on serre des dents plus souvent qu'à son tour en imaginant ces gamines hautes comme trois pommes devant se montrer, au bon moment, particulièrement habiles pour déjouer tous les pièges des autorités, autorités qui, pieusement obéissantes, les conduiraient inévitablement à la mort (le cas Aloïs Bruner, grand ordonnateur des dernières rafles d'enfants, est également évoqué sur la fin, un type plus ignoble que l'ignominie, contre lequel les autorités françaises, par la suite, n'ont guère fait preuve de zèle). Korman, tout en évoquant parallèlement sa propre vie, mais là encore, avec une belle sobriété, tisse avec finesse et précision tous les dessous de ce drame, de cette tragédie qui dépasse l'entendement. Un bouquin solide, précieux, qui peut se passer de prix : la vérité, tristement sordide de l'ouvrage, est au delà, en un sens, des hommages placides.

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