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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
16 juin 2022

Le Projet Blair Witch (The Blair Witch Project) de Daniel Myrick et Eduardo Sánchez - 1999

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Shangols n'a pas encore épuisé tous les films d'horreur culte. La preuve : il nous restait à chroniquer ce fameux found-footage des débuts, ce film qui a révolutionné le genre à l'époque et qui a été mille fois copié depuis. Je me souviens d'avoir été bien impressionné à sa sortie en salle, mais qu'en est-il aujourd'hui, après les pillages dont il a été victime ? C'est chargé de cette angoissante question que je me replongeai dans la forêt de Blair, accompagné de ces trois adolescents censés faire un documentaire sur la méchante sorcière qui l'habiterait. Jouant sur le côté vérité/mensonge déjà en œuvre dans les géniaux Documents interdits, les réalisateurs nous préviennent d'emblée : nos trois héros ont disparu dans la forêt, et ce que nous allons voir est la cassette vidéo brute qu'on a retrouvée sur place. Bien pratique : ça permet de réaliser un film foutraque, haché, à la technique fluctuante, aux cadres folkloriques, pour donner l'illusion du "pris sur le vif". C'est donc parti pour 80 minutes de grand n'importe quoi formel, au cours duquel on découvre comment Heather, Josh (couramment appelé JOOOOOOSHHHHHHH par la suite) et Mike vont se perdre dans la forêt, vivre des nuits éprouvantes, entendre mille bruits inquiétants et trouver mille bidules vaudous planqués dans les arbres, et finalement avoir maille à partir avec le surnaturel, ce qui leur coutera la vie.

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On pourrait penser, au vu de ce résumé, que le film est horrible, que le sang coule à flots, que les monstres torves surgissent à tout bout de champ, qu'on est dans l'horreur ultime. Sauf que, et c'est un peu là qu'est la grandeur du film, pas du tout : il ne se passe strictement rien du début à la fin de ce film, y compris dans son dénouement. Rien d'effrayant en tout cas. Myrick et Sanchez sont deux gros malins, qui ont compris, comme Tobe Hooper avant eux, comme Oren Pelli après eux, que l'idée d'avoir peur est bien plus forte que la peur elle-même. On passe son temps à attendre le machin horrible ; et cette attente est bien plus chargée en fantasmes, bien plus riche de tensions, bien plus impressionnante, que si les bougres avaient lâché les fauves. Le plus beau est que The Blair Witch Project est vraiment mais alors vraiment, dépourvu de tout élément effrayant, jusqu'à la fin. Belle confiance dans les vertus du cinéma que celle-ci. Il suffit de montrer un acteur qui crie dans la nuit parce qu'il a peur d'avoir peur, de filmer vaguement une jeune fille face à un mur d’obscurité d'où pourrait éventuellement sortir un monstre, de brouiller un plan pour faire croire que peut-être il se pourrait qu'on ait entrevu quelque chose de bizarre là-bas au fond, de secouer une tente en pleine nuit en enregistrant les braillements de ses acteurs, pour réaliser un film parfaitement effrayant. C'est le syndrome du fantôme sous le lit : le fantasmer est bien plus impressionnant que de vérifier sa présence. Les pouvoirs de l'imagination sont surpuissants, et l'avoir compris relève d'une parfaite connaissance de la psychologie du public et de la psyché des films d'horreur. On finit presque par avoir peur du grain de l'image lui-même ! Je suis à deux doigts de citer les discours indirects de Racine ou d'employer le mot de catharsis, mais je sens les sarcasmes qui s'en suivront...

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Ça permet en tout cas aux bougres de réaliser un film au budget ridicule, et de jouer sur la fameuse subjectivité de l'image. Ces plans, censés être pris par les protagonistes de l'histoire, donc être a priori subjectifs, leur échappent complètement au fur et à mesure que leur peur grandit ; ce qui fait que c'est dans les "interstices" du film qu'on espère (ou pense, ou redoute de) voir l'horrible. L'image subjective devient objective, c'est ce qui échappe au contrôle des personnages qui est vecteur de peur, comme ce sera le cas en encore plus poussé dans Paranormal Activity. The Blair Witch Project est donc, mais oui, un film conceptuel, qui fut en plus un grand moment de sueur froide pour tout ado boutonneux adepte du cinéma d'horreur. Il y a clairement eu un avant et un après, et ce film a marqué une nouvelle façon de concevoir les films d'horreur. A ce titre, je crois qu'on peut lui accorder le statut de grand film, malgré ses nombreux défauts (les acteurs, mon Dieu). Pas une ride.

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