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15 janvier 2022

LIVRE : Le Livre de la jungle (The Jungle Book) de Rudyard Kipling - 1894

9782070367832,0-633539Bonheur enfantin et infini de replonger une énième fois dans Le Livre de la Jungle. Il y a dans ce recueil de nouvelles toute la magie de Kipling, son art génial de conteur, son imagination sans limite, son ton mordant et ironique, son humour, sa passion pour les animaux, son goût de l'exotique et de l'évasion, son côté bordélique et sans façon, enfin il y a tout ce qu'on est en droit d'attendre d'un livre quand la littérature contemporaine vous dégoûte et qu'on veut revenir aux fondamentaux. Je ne vous apprends rien, c'est l'histoire d'un gosse récupéré dans la jungle par... des loups (oui, on trouve des loups dans la jungle chez Kipling, comme on trouve des ours ou des chameaux, magie de la littérature), et élevé dans la loi de la jungle ; à savoir avec le respect de chaque race d'animaux, avec un sens de la fatalité bien ancré (il faut bouffer et être bouffé), dans une sorte de démocratie bienveillante qui culmine avec le conseil qui réunit tous les animaux pour discuter des problèmes. Mowgli devient une sorte d'animal ++, à la fois sauvage et civilisé, un pied dans la bestialité un autre dans l'humanité. Ce statut lui vaut de s'attirer la haine du féroce Shere-Khan le tigre, mais aussi la solide amitié de Bagheera la panthère noire, de Baloo l'ours et de Kaa le python. C'est toujours le même débat entre civilisation et sauvagerie, mais Kipling le porte à un haut niveau en brouillant complètement les frontières entre l'une et l'autre : la jungle, organisée en castes, paraît souvent plus civilisée que le monde des humains. Ceux-ci, à peine représentés d'ailleurs, sont symbolisés par les singes, véritables parias du monde animal : leur stupidité, leur cupidité, leur absence d'organisation, leur méchanceté, les rapprochent de l'humanité telle que la conçoit Kipling, qui ne se prive pas pour dresser un portrait très acide de leur communauté anarchique. Ils sont aussi au centre de la plus belle nouvelle du recueil : l'enlèvement de Mowgli par les singes est l’occasion d'un splendide récit d'aventures très mouvementé, rythmé au millimètre, et qui balance sa dose de critique sociale et politique.

On sent que le livre n'obéit à aucun plan préconçu, et est même visiblement écrit au fil de la plume (ce qui n'enlève rien à sa grandeur pour le coup). La première nouvelle résume toute la vie de Mowgli dans la jungle, la deuxième revient dans le passé, la troisième dément la première, etc. Quant aux dernières nouvelles, elles occultent totalement le petit humain, s'intéressant à d'autres animaux, et s'éloignent même parfois de la jungle proprement dit : le voyage d'un phoque pour trouver un nouveau territoire semble plutôt appartenir à un recueil sur la mer. C'est un grand bordel assumé, on sent bien que Kipling s'en balek de la cohérence de tout ça, et choisit plutôt de nous donner des petits bonheurs de récit comme ils lui viennent, sans trop se prendre la tête. Et entre la mort de Shere-Kan et un bal d'éléphants, entre le combat d'une mangouste et d'un serpent (sublime récit, là encore) et une charge de chameaux, les occasions de trouver le bonheur sont constantes. Kipling est un vrai raconteur d'histoires au coin du feu, et on est complètement happé par ces contes mouvementés et haletants, drôles et dépaysants, comme on l'a été à 10 ans. Éternel et génial.

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