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2 novembre 2021

Une jolie Vallée de Gaël Lépingle - 2019

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Se taper des OVNI de temps en temps permet de se rappeler que le cinéma peut encore être intrépide parfois. Avec Une jolie Vallée, vous êtes servis : voilà un bidule complètement improbable et ma foi très réussi, le genre de vision de cinéaste hyper personnelle, et pas partageable par tous du coup. Moi, il m'a bien emballé, malgré son côté cheap. Nous sommes dans une petite bourgade du Tarn, son clocher, sa mairie fleurie, son Crédit Agricole, son hôtel Le Lion d'Or, comme dit Florent Marchet. Gaël Lépingle (un nom à la Sempé) plante sa caméra dans la ville pour y filmer le travail d'une chorale amateur répétant une adaptation des Trois Mousquetaires. Soit le labeur de toute évidence passionné de gens comme vous et moi, qui, patiemment, révisent leurs chansons, travaillent le jeu d'acteurs, ou improvisent des petites chorégraphies à la con, le tout sur fond de parking municipal, de salles des fêtes un peu ringardes, de verts prés ou de théâtre de province. Voici donc le point de jonction entre Jacques Demy et Nicolas Philibert, entre l'univers sensément objectif du documentaire et l'artificialité complète de la comédie musicale. Lépingle aime les deux, et mêle donc les deux, dans un film parfois bancal, parfois maladroit mais en tout cas d'une sincérité totale, qui est un peu une expérimentation sophistiquée sur fond de kitscherie. C'est assez sidérant de voir ces groupes de gens de tout âge, et de talents variables, se retrouver au milieu de la société contemporaine avec ses voitures et ses magasins, pour s'y exercer à l'art lyrique fleur bleue, chantant des morceaux sentimentaux sur d'Artagnan et Milady. Outre que Lépingle adore visiblement ces chansonnettes, il y a également une vraie volonté de s'inscrire dans un territoire, de parler mine de rien du "vivre-ensemble", de la passion commune qui agite ces chanteurs amateurs. Débarrassés de toute référence sociale (certains avouent ne pas arriver à lire le roman de Dumas, d'autres sont visiblement très à l'aise dans cet univers , et on se sait rien de leur vie "en dehors"), ces gens représentent une sorte d'âge pur, un endroit un peu magique et enchanté, où il leur paraît bon de se retrouver : définition valable des émotions que procure toute comédie musicale, délestée de la réalité et pourtant profondément ancré en elle ; le fait qu'ils aient créé cet espace au milieu du décor urbain, "malgré" lui presque, ajoute à l'étrange hiatus du film. Cet espace rêvé, mix entre l'enfance et le patrimoine culturel partagé, constitue une sorte d'utopie. Alors tant pis si les chansons sont un peu maladroites, si les interprètes jouent comme dans un spectacle de patronage, si leurs petites chorégraphies fleurent le cliché et le malaise ; ce qui compte, c'est de créer, au sein d'aujourd'hui, cet espace rêvé. Lépingle, finalement, a réalisé un film plus politique qu'il n'y paraît...

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