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24 octobre 2020

Relic de Natalie Erika James - 2020

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Ah ça fait bien plaisir de pouvoir enfin voir un film d'horreur adulte, qui aborde un sujet sérieux et qui, ô félicité suprême, ne cède pratiquement pas aux tics formels faciles du genre : on ne compte en effet aucun jump-scare dans Relic, et pourtant Natalie Erica James parvient à maintenir une saine tension tout du long, ce qui prouve qu'on est pas obligé de faire bondir dans son fauteuil toutes les cinq minutes pour faire peur, et que la distinction entre surprise et suspense pronée par Hitchcock est encore valable de nos jours. Le film montre que c'est dans le monde concret qu'on peut aller chercher l'angoisse et la monstruosité, et pas forcément chez les spectres et les zombies. C'est donc en l'occurrence une petite vieille qui va amener toute la tension : Edna, une octogénaire qui commence sérieusement à sucrer les fraises, disparaît de sa maison un beau matin. Sa fille et sa petite-fille arrivent sur place pour tenter de la retrouver, et au bout de quelques jours, la vieille réapparaît, ayant oublié (ou refusant de dire) ce qui lui est arrivé. Dès lors, elle semble cacher au fond d'elle une étrangeté, un début de monstruosité qui va se développer de plus en plus devant les yeux mi-empathiques mi-terrifiés de sa fille.

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Il suffit d'une expression de visage, d'un geste déplacé, d'une seconde pour que l'altérité de la vieillesse se révèle dans toute son horreur. Aidée par des comédiennes convaincantes, qui ne surjouent jamais ni la peur ni la menace, James parvient à rendre glaçants les rapports entre cette vieille sénile et sa fille. L'aïeule pète plus souvent les plombs qu'à son tour, et peu à peu sa folie devient le vrai vecteur du suspense. D'autant qu'elle affirme avoir été visitée par un inconnu quelques jours plus tôt, qu'elle semble effrayée par un placard dans sa maison, qu'elle cherche à dissimuler tout un pan de ses activités récentes : qui est-elle vraiment ? et peut-on réellement connaître un être cher qui vous échappe, que la folie gagne ? Il y a un côté "bodysnatcher" dans ce personnage de grand-mère menaçante, et sa fragilité physique et morale devient autant un élément de tristesse que de menace dans le film. Peu à peu on abandonne la piste des extra-terrestres ayant contaminé son corps : on n'est pas dans ce registre-là. Mais plutôt dans celui (déjà expérimenté par Shyamalan) de la sénilité présentée comme une monstruosité. Le film fonctionne parfaitement dans ce domaine-là, et il est presque dommage que James lui rajoute des scènes plus attendues : celle de la mystérieuse silhouette cachée sous le lit ou apparaissant toujours dans le dos des héroïnes, ou celle du labyrinthe dans la maison, trop longue. Relic n'avait pas besoin de ça pour effrayer : on est beaucoup plus touché par ce long plan sur le visage opaque de la vieille, entre menace et violence, complètement borderline, qui, là, terrasse vraiment, ou par la pure démence qui s'empare de la grand-mère à la fin, décuplant ses forces physiques. Une peur existentielle finalement, c'est ce que propose ce film, à travers des plans comme celui-ci, ou à travers une vraie réflexion sur l'architecture de son décor (bien entendu symbolique), ou à travers sa façon de traiter le thème de la famille de façon très frontale.

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Il y a non seulement des plans flippants, mais aussi et surtout des plans très émouvants, le film parlant finalement avant tout de la mort et de la perte des êtres chers, du mystère qui entoure les gens qu'on connaît pourtant très bien. Le plus beau est le dernier : une vieille couchée dans un lit, à la peau bouffée par une sorte de lèpre glauque, sa fille derrière elle, et la petite-fille encore derrière constatant déjà les marques de cette lèpre dans le dos de sa mère. Rien que pour un plan comme celui-là, on se dit que le film d'horreur a encore des pouvoirs d'évocation magnifiques, peut encore raconter des choses profondes différemment, et ne peut pas se résumer aux conneries adolescentes qui sont le lot commun. Gloire à Natalie Erika James.

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