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28 septembre 2020

Tom Jones : de l'Alcôve à la Potence (Tom Jones) (1963) de Tony Richardson

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Tony Richardson s'attaque au classique de Fielding avec Finney dans le rôle-titre et je dois reconnaître, si on fait fi de l'image aux couleurs de papier peint de ma grand-mère, qu'il s'en sort avec les honneurs - et cela me coûte forcément un bras puisqu'on est bien dans du cinéma anglais. Mais je plaisante et je bifurque un peu justement comme Richardson qui décide de traiter, avec une certaine légèreté et un sens du rythme effronté, cette romance sempiternellement contrariée entre le bâtard Jones et la douce et bien née Sophie Western (Susannah York) ; c'est une façon forcément un peu courte de résumer l'histoire puisque l'on pourrait tout autant évoquer le côté coureur de jupons du Tom, sa bravoure, ses lâchetés, son intrépidité, ses provocations, puisque l'on pourrait insister sur le portrait d'une société sclérosée où les nobles, tout couillon et hypocrite qu'ils sont, sont censés tout faire pour rester « entre eux », puisque que l'on pourrait encore parler de la chose en pointant du doigt toute la sauvagerie d'une époque (de la chasse à courre à la potence), ou parler des multiples rebondissements de cette histoire de formation (Tom Jones, victime de la jalousie de son entourage, tentant malgré tout de rebondir de conquêtes en conquêtes)... Le fait est que l'histoire (de mœurs) est épique et que Richardson tente autant que faire se peut d'évoquer un maximum de faits et d’aspects de ce roman rocambolesque.

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Dès le départ, avec ce bébé découvert dans un lit, Richardson attaque son histoire sous le biais de la comédie et de la parodie en livrant une introduction muette, accélérée et pleine de pantomimes. On ne sera pas dans la reconstitution plombante et méchamment fidèle quant au décorum historique : Richardson préfère garder l'esprit et le ton du bouquin en tentant d'en restituer la drôlerie et le côté extravagant. Si on colle aux basques de Tom Jones en tentant de restituer ses divers écarts (avec des filles du bas peuple souvent peu farouches ou avec des bourgeoises profitant de leur position) et ses amours véritables (avec la blonde Sophie), Richardson n'en oublie pas de livrer des séquences d'envergure et de vrais morceaux de bravoure : il y a notamment, dans la première partie, avant que Tom soit chassé de la demeure où il est né, cette fameuse chasse à courre filmée de façon folle et enivrante ; des plans du ciel, des plans en caméra embarquée sur des chiens (enfin, presque), un montage absolument infernal... On a rarement été autant immergé dans une cavalcade de ce genre sur écran. On se retrouve en quelques minutes presque autant aux abois que ce pauvre cerf, pris à la gorge par ces plans qui s'enchainent à vitesse grand V, par cette folie qui s'empare des chiens comme des cavaliers. Cette scène est centrale car révélatrice de la "chasse" dont sera victime toute sa vie Tom Jones né de basse extraction (et pourtant adopté par un noble) : il ne peut prétendre ni à un bon parti ni à un avenir serein car il est et restera, malgré son allure, malgré ses manières galantes, malgré son sens de l'honneur - vis-à-vis des femmes, notamment - un bâtard. Pour chaque épisode, on sent que Richardson n’a pas voulu tomber dans la facilité, essayant de doper chaque scène pour qu'on ne tombe jamais dans la reconstitution facile : regards caméra, arrêts sur image, scènes mises en accéléré, Richardson use de diverses techniques cinématographiques (et, insistons sur ce point, une vraie science du montage) pour mettre en relief le petit côté absurde de l'existence de Jones avec ses aventures vaudevillesques et sensuelles (cette scène au restaurant avec cette femme (sa prétendue mère !) qui mange (du poulet comme des huitres) avec un sex-appeal qui ferait frémir un eunuque). Alors oui, certes, c'est un petit long, on ne se tape pas non plus toujours sur le ventre mais on apprécie cet effort constant pour accélérer le rythme tout en cherchant à traduire le côté attachant et un peu branle-manette de cet héros au sourire si doux. Une image un peu vieillissante qui n'empêche point de laisser transparaître une volonté constante de dépoussiérer ce classique et de signer une œuvre cinématographique à la fois pleine de fantaisie (à l'image de son héros) et par instant trépidante. C'est forcément louable, donc louons.

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