Robin des Bois (Robin Hood) de Wolfgang Reitherman - 1973

Révolution dans les studios Disney : le personnage principal de Robin des Bois est un voleur, ce qui a dû faire labourer le cimetière à notre gardien de la morale de Walt. Un peu étouffé par les audaces punk de cette idée, on décide donc de donner à son héros les traits d'un renard, animal pas forcément glorieux dans l'univers des cartoons ; et de lui adjoindre en seconds rôles seulement des petits animaux tout meugnons, de l'ours aux souris, de la tortue au lapin. Quant aux méchants, ce seront une lionne, un serpent, des phacochères, des crocos, autant de créatures vouées aux gémonies. Voilà pour le bestiaire de cette mouture 1973, qui vient conforter l'adage : "quand le chat est décédé, les souris s'endorment sur leurs lauriers". Le vénérable Walt ayant en effet passé l'arme à gauche (ce qui est bien la seule chose qui se situât à gauche dans son univers mental, voir le formidable docu sur Arte en ce moment), ses descendants s'avèrent beaucoup moins regardants sur la technique et le fini de leurs produits, et transforment peu à peu le studio en simple tiroir-caisse.

Côté scénario, ça se tient à peu près, même si les connaisseurs de la véritable légende de Robin seront déçus de ne pas retrouver tous les éléments mythiques de l'histoire. Malgré le challenge (adapter une histoire assez éloignée de l'univers Disney habituel), les gars s'en tirent plutôt pas mal, grâce à quelques scènes encore plus spectaculaires que dans l'original (notamment, le fameux coup de la flèche frappée dans le milieu : ici, Robin, va même jusqu'à tirer une autre flèche pour détourner la première en vol...), grâce à des petits personnages secondaires assez mignons : une grosse poule bienveillante pour camper la duègne de Marianne, une bande de petits jeunes intrépides ; et surtout grâce à deux méchants parfaits : le prince Jean, usurpateur du trône d'Angleterre, auquel Peter Ustinov prête une voix d'abruti prétentieux proche des grands pontes du peplum ; et son immonde sbire, calomniateur, flatteur, lâche et veule, le serpent Triste Sire et ses consonnes sifflantes. Heureusement qu'ils sont là, car côté gentils, on n'a pas grand-chose à se mettre sous la dent : un Robin fadasse à souhait, sans caractère ; une Marianne quiche ; et une bande de hors-la-loi un peu épais, qu'on croirait d'ailleurs sortis d'autres films de Disney du passé (comme Baloo ou les personnages des Aristochats). Le film va vite, très vite, sûrement trop vite, ramassé sur 1h10 alors qu'il y a 12000 événements qui y sont racontés. Mais si on accepte les grandes béances dans ce qui est raconté, il y a là suffisamment d'aventures, de glamour et d'humour pour combler vos petites têtes blondes.

Mais alors, côté technique, c'est une honte. On dirait au mieux un de ces dessins animés de série qui passait à la télé dans les années 80, au pire un manga fait en trois jours pour le club Dorothée. Les mêmes dessins, les mêmes mouvements, sont répétés d'un personnage à l'autre sans aucune nuance ; les mouvements de bouche sont visiblement autonomes par rapport au visage (plus rapide) ; les couleurs de décors rivalisent de faux raccords tous azimuths ; les créateurs, qui manquent cruellement d'invention dans l'expressivité des personnages, sont pris en pleine sieste et recyclent allègrement des motifs d'une scène à l'autre (les poursuites faites par les rhino de la garde royale). Manque de moyens peut-être, manque de génie assurément. Quand on repense aux merveilles des premiers Disney, on ne peut que soupirer devant les grosses facilités techniques de ce film-là, qui ne propose aucune des innovations qu'on attend toujours d'un Disney de cette époque. Robin des Bois marque donc un jalon, en étant un des premiers Disney mal foutus et bâclés. Historique.