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Shangols
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6 novembre 2020

Le Sel des Larmes (2020) de Philippe Garrel

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Garrel nous revient en bonne forme avec cette histoire d'un homme relativement indécis : un homme charmeur, un peu malgré lui parfois, qui va rencontrer trois femmes et qui manquera finalement avec chacune d'elles son rendez-vous. Il y a cet amour parisien avec Djemila (Oulaya Amamra, très fraiche), une passion soudaine qui ne pourra jamais véritablement s'exprimer (car Luc, notre héros, tend à une certaine passiveté pour ne pas dire à la lâcheté...), puis celui avec cette amie d'enfance, Geneviève (Louise Chevillote, un peu effacée) pour laquelle, c'est le moins qu'on puisse dire, Luc éprouve des sentiments un peu tièdes et enfin celui avec cette bouillonnante Betsy (Souheila Yacoub, détonante) qu'il aura quelque peu de mal à canaliser (un amour à trois qui finit un peu en eau de boudin). Un homme, trois femmes et puis un père, Garrel se plaisant à laisser en fil rouge cette très belle relation entre un père (l'excellent André Wilms) et son fils, deux êtres pleins de respect l'un envers l'autre - ce qui n'est finalement pas si courant dans le cinéma hexagonal... Un père qui est un peu le point de référence (consciemment ou inconsciemment) de Luc, un être qui vit sa vie sans trop vraiment savoir où la vie le mène : un père qui, s'il venait d’ailleurs à disparaître de la vie de Luc, pourrait enfin mettre ce dernier face à lui-même...

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Le film peine quelque peu à démarrer - des scènes courtes, une première rencontre traitées par toutes petites touches - mais finit progressivement par nous prendre dans son rythme tranquille. Luc, qui tente de rentrer à l'école Boulle pour réaliser le vieux rêve de son père, est un jeune garçon de province qui est loin d'être dévoré par l'ambition ou par les projets d'avenir ; ses rencontres féminines sont finalement assez fulgurantes et il semble s'en accommoder sans trop se poser de questions. C'est cette nonchalance qui est à la fois assez plaisante chez ce jeune homme sans calcul mais aussi ce qui constitue sa grande faiblesse tant l'on peut avoir parfois l'impression qu'il n'est pas forcément très attaché à ses partenaires... Une première relation et un rendez-vous manqué terriblement pathétique, une deuxième relation et un départ (de Luc, de la province vers Paris) peu glorieux vu les circonstances et une troisième relation (bien belle scène que celle de cette rencontre en boite sur une bonne vieille musique endiablée de Téléphone - Fleur de ma ville n'a pas pris une ride en quarante ans) qui se délite quelque peu avec le temps. Luc semble finalement avoir assez peu d'emprise sur les "femmes de (cette partie de) sa vie" et ce personnage, d'un calme olympien, semble passer à côté de l'essentiel. Il y a heureusement cette figure du père, toujours là pour venir lui apporter son soutien, pour lui donner une certaine sérénité… seulement Luc, laissant dériver la barque de sa petite vie, finirait presque par l'oublier. On aime ces moments de partage avec ce père, le zen de cette relation sans un mot plus haut que l'autre, cette dignité et cette affection entre les deux hommes, des moments qui fournissent des contre-points évidents à ces histoires d'amour auxquelles il semble toujours manquer une pièce essentielle. Garrel, au final, dans un noir et blanc magnifique et intemporel, livre une œuvre toute en finesse, qui fait la part belle à l'amitié "virile" et aux amours fragiles. Une évidente fine fleur du cinéma français que ce cinéaste.   (Shang -09/08/20)

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Shang m'enlève les mots de la bouche, et je confirme tout ce qu'il dit, ayant compris le fim comme lui, ayant remarqué les mêmes scènes et tiqué sur les mêmes défauts. J'ajouterais tout de même qu'il est bien dommage d'avoir choisi un acteur aussi fade pour personnage principal : le type est déjà pas très glorieux, mais la mollesse du jeu de Logann Antuofermo ajoute encore une couche à l'antipathie désagréable à la longue qu'on ressent pour ce gars immature, lâche, égoïste et passif. Les scènes face à ces comédiennes agréables et surtout face à un André Wilms assez génial en ressortent un peu plus fades qu'elles n'auraient dû. Bon, mais c'est à peu près la seule réserve que j'aurai face au film, qui traite du sujet de la maturité : Luc est un enfant face à toutes les responsabilités qu'on lui propose, ne se rendant pas à un rendez-vous amoureux par peur d'avouer son inconstance, fuyant la paternité, tolérant un trio amoureux là où il rêverait d'un amour exclusif, patientant à sa table de bistrot en attendant que ses potes lui dégotent des rencards, suiveur de la carrière du père sans trop se poser de questions. Il va lui falloir l'électro-choc de la perte de celui qu'il a aimé et qui l'a aimé toute sa vie pour qu'on puisse espérer une métamorphose, une prise de consceince, un passage à l'âge adulte finalement. Thème éternel dans le cinéma de Garrel, la part d'enfance qu'il faut garder dans sa vie, les difficultés à grandir, le romantisme adolescent qui vous reste chevillé au corps ; mais ici beaucoup plus apaisé que par le passé : le film est lumineux, doux, mélancolique plus que tragique.

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Au milieu de ces jolies scènes de dialogues, de ces promenades dans un Paris entre les années 60 et la modernité, il y a le joyau de la séquence de danse. Je n'ai pas le sovenir d'avoir déjà vu la danse filmée comme ça, dans une sorte d'ordre désordonné, de folie contenue. C'est énergisant et en même temps très maitrisé, la caméra restant sur la comédienne qui peut de temps en temps se lâcher dans les bras de son partenaire puis rentrer dans une chorégrahie très minutieusement préparée, comme une danse de couple, un ballet de groupe et un solo réuni en un seul moment. Un grand moment de cinéma, on ne pensait pas qu'on pouvait réussir encore aujourd'hui un tel exercice, tant le cinéma français a arpenté les scènes de danse en long, en large et en travers. Rien qu'au travers d'une scène comme ça, on se souvient que Garrel est un auteur précieux, un des derniers Mohicans de l'amour enfui ou retrouvé, et un bien bon cinéaste malgré ses excès parfois puérils.   (Gols - 06/11/20)

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Tout Garrel,

Commentaires
S
J'entends plus le cinéma... Pour ce qui est de travailler le bois, le père Garrel s'y connaît et nous aura fabriqué de bons gros sabots. Le sel des larmes, oui, pour ce pauvre (et toujours merveilleux) André Wilms.
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