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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
17 juin 2020

LIVRE : Soit dit en passant (Apropos of Nothing) de Woody Allen - 2020

9782234090071,0-6666367Le Diable va venir hanter mes rêves, de toute évidence, puisque voilà que j'ai lu les mémoires du monstre pervers, du manipulateur ultime, du psychopathe sexuel, du violeur de petites filles, qu'est ce brave Woody Allen. Bon, on ne peut pas lui reprocher en tout cas d'être bavard, et c'est donc avec une réelle curiosité que je m'attaquais à ce gros ouvrage, qui se propose de traverser cette vie mouvementée, depuis le doux foyer chaotique de son enfance juive jusqu'aux bancs des tribunaux actuels, en passant par ses one-man-shows et ses amours, sans oublier bien sûr les quelques 50 films amoureusement consultés, admirés et commentés par ce blog ici. 534 pages donc (dont une bonne centaine consacrée à "L'Affaire") pour cette carrière mirifique, qui se conclut par cette pensée toute allenienne : "Mon plus grand regret ? je n'ai jamais réalisé un seul grand film." C'est un pur plaisir que de retrouver notre Woody dans un autre exercice que celui du cinéma, et de voir cet être si taiseux forcé à se confier quelque peu.

 

Bon, côté révélations fracassantes et règlements de comptes, il faudra repasser : Woody est un gars poli, qui ne sait dire que du bien des gens. Le livre est un défilé d'actrices épatantes, de directeurs de photo géniaux, de collègues hyper drôles, et on ne prendra jamais notre gars à émettre la moindre réserve sur le talent incomparable des uns et des autres. S'il trouve par-ci par-là un défaut à l'un d'eux (Christopher Walken ou Sam Shepard), ça prend des airs de critique acerbe, alors qu'il indique la pupart du temps qu'ils n'étaient tout simplement pas sur la même longueur d'onde. De ce côté-là, c'est donc un peu lassant, on dirait que la carrière de Woody Alen s'est déroulée absolument sans ombre : l'échec de certains de ses films, il ne se l'impute qu'à lui-même, et s'il voue la plupart d'entre eux aux gémonies (il ne sauve pour ainsi dire que Wonder Wheel, Stardust Memories, Match Point et Maris et Femmes), c'est parce qu'il est incompétent et tout pourri à l'en croire. Cette modestie n'est pas complètement feinte d'ailleurs, puisque qu'on apprend dans ce livre que la réputation d'intellectualisme du gars est en grande partie usurpée : il fait la liste des films qu'il n'a pas vus, et c'est impressionnant ! Au milieu de toutes ces louanges aux gens  de cinéma émerge tout de même Diane Keaton, son égérie éternelle, à laquelle il consacre les pages les plus énamourées du livre : on voudrait devenir elle pendant deux secondes pour lire ces pages de fidélité indéfectible, d'admiration, de dévotion, que lui consacre le bougre.

 

Ses autres compagnes, mise à part Soon-Yi la dernière, n'ont pas droit au même traitement, de sa première complètement oubliée à Louise Lasser, foldingue totale que Woody traite avec ménagement mais dont on sent bien qu'elle a pas dû être facile-facile. Et puis il y a bien sûr Mia Farrow, et on sent bien que le gars y va avec des pincettes pour en parler. Autant il est en admiration devant son travail d'actrice, autant il se retrousse les manches pour parler des misères qu'elle lui fait depuis 20 ans. Dans ce long passage-là, on a droit à un modèle d'écriture, et on sent les avocats de chaque partie peser chaque mot du livre pour en tirer profit. Woody raconte sa version des faits avec une mesure qui confine à l'équilibrisme : voilà sa vérité, mais elle prétend le contraire, et c'est une si bonne actrice, alors bon. On sent la haine totale qu'il lui voue désormais, mais jamais il ne la déclarera ; il préfère jouer avec le feu, s'approcher bien souvent du mépris ou de l"insulte sans y tomber jamais, préférant traiter avec son humour légendaire cet épisode traumatique de sa vie. En tout cas, mine de rien, ces passages sont assez fascinants et intéressants ; on y découvre un gars traqué, rejeté par tous (il a eu du mal à réunir son casting pour son prochain film), y compris par ses amis de jadis, complètement ostracisé par le métier, alors que jusqu'à maintenant rien n'a été retenu contre lui, et ces pages douloureuses le montrent désarmé, d'une grande sincérité et assez désabusé.

 

Bon, ne rentrons pas dans la polémique, et notons qu'il y a aussi dans Soit dit en passant des vannes hilarantes qui nous font retrouver le Woody de jadis. Son enfance au sein d'une famille folklorique ou ses débuts comme auteur de gags notamment, sont franchement poilants, et on retrouve avec plaisir l'auteur des punchlines qu'on aimait dans ses grands films. Il passe sagement dans l'ordre tous ses films en revue, s'arrêtant parfois sur une qualité de l'un d'eux, le piétinant la plupart du temps allégrement (Une autre femme ou Blue Jasmine aux orties), mis il y a là-dedans peu de choses sur sa méthode, peu de trucs de metteur en scène. Mais par la bande, en relevant ici une posture par rapport à ses comédiens, là une position sur la lumière, on devine quelques caractéristiques du style-Allen, et on est bien content quand même. Il y a aussi de délicieux paragraphes sur la musique et sur sa tournée mondiale en tant que clarinettiste : le gars n'est pas dupe, s'il n'avait pas fait de films à succès, il n'y aurait personne à ses concerts. On termine ce bouquin avec l'impression d'avoir fait une petite ballade en compagnie d'un bougre sympa et un peu sauvage, d'avoir partagé ses goûts et ses admirations, sans avoir dérangé son confort : un livre délicieux, à l'image du maître.

 

Tout sur Woody sans oser le demander : clique

Commentaires
M
Hum... Un mec qui n'aime pas "La vie est belle" de Capra et qui voue un amour sans borne pour le génie de Bob Hope, est-il vraiment digne de confiance (cinématographiquement , bien sûr) ? <br /> <br /> Allez, je blague. J'aime bien Bob Hopr.<br /> <br /> C'est un livre sympathique et souvent intéressant. Un poil longuet, peut-être. <br /> <br /> Les méandres de ses affaires juridiques m'ont souvent fait bâiller. Sans doute à cause de ce funambulisme avec les mots. <br /> <br /> Et puis, on s'en fout bien.<br /> <br /> <br /> <br /> A propos, Soon-Yi... Si on furète entre les lignes, on devine que si le gars n'avait pas la fatigue et le renoncement de ses 80 balais, il te l'aurait larguée depuis un moment. Quand il doit parler de ses qualités, il ne peut que répéter qu'elle a eu le courage de fuir sa misère à 5 ans. Plus rien après. <br /> <br /> Mais, de ça aussi on s'en fout après tout. <br /> <br /> <br /> <br /> En fait, j'ai adoré toute la première partie, les 40's, 50's, les clubs, les managers à la petite semaine, Sid Caesar, Zero Mostel, les tours de magie foireux, son obstination à nous convaincre qu'il était un grand sportif, etc... Tout est passionnant jusqu'à ses déboires avec son 1er scénario filmé (What's news Pussy Cat). <br /> <br /> Après, quand on arrive à la réalisation de films, il n'a plus grand-chose à raconter. <br /> <br /> Votre chronique, même, le reconnaît. Pour ça, faut relire les bios de Minnelli, Preminger, Walsh, Parrish, Powell, De Toth, Jerry Lewis, Lumet, Fuller, Mackendrick, etc. Tous parlent avec précision, passion, obsession, de leur job;<br /> <br /> <br /> <br /> Lui, Woody, il cause des gens qui bossent pour lui. Sympa. <br /> <br /> Bon... Les traducteurs ont dû en baver sur leurs dicos des synonymes pour aligner ses "merveilleux" ses "fantastique" , ses "magnifique" et ses "fabuleux". <br /> <br /> On songe à ces interviewes de Claudia Cardinale, les plus creuses que je connaisse, qui ne sont qu' enfilades d' "extraordinaire", "prodigieux" et autres "incroyable" ou "formidable"... <br /> <br /> Refaites-vous n'importe quel entretien avec Claudia. Vous verrez. <br /> <br /> <br /> <br /> Woody, donc. <br /> <br /> Il ne dit rien de son travail de metteur en scène. Vrai. Et normal : il ne sait pas. <br /> <br /> J'ai été le voir (l'entendre?) jouer de la clarinette... Il ne sait pas non plus. <br /> <br /> Woody, c'est le mec sympa, drôle, mais qui reste un peu nul sur tout. <br /> <br /> Si, un truc quand même : non, il n'est pas modeste, il est lucide. <br /> <br /> Mieux que tous, il sait qu'il ne sait pas. <br /> <br /> <br /> <br /> On se fait la bise quand même ?
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