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30 avril 2020

L'Atelier d'Eric Rohmer (1993-2009) de différentes jeunes femmes

Série : « Le Modèle »

Un dentiste exemplaire (1998) de Aurélia Alcaïs, Haydée Caillot & Stéphane Pioffet

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Une jeune femme a envie de faire un voyage aux Etats-Unis mais a besoin d'argent. Son amie lui propose de poser nue pour un photographe ; elle feuillette un livre, regarde différents modèles, hésite à participer. Suite à un malencontreux problème de couronne (on peut jamais faire confiance aux pommes), elle se rend chez son dentiste, tout du moins chez le remplaçant de ce dernier. Gasp, elle reconnaît en lui un des modèles qui a posé dans le bouquin de Jeanloup Sieff. Elle posera à son tour pour le photographe des stars, l'âme sereine. Du trivial à l'art, de la petite envie d'argent à la pose artistique, c'est un peu le cheminement qui nous est proposé ici. Mélanie, c'est son nom, ne cesse d'être en proie aux doutes, par rapport à son corps, par rapport au fait qu'on "l'utilise" ; peu à peu, cette dernière, suite aux diverses discussions avec son amie et la rencontre inopinée avec ce charmant dentiste va progressivement prendre confiance en elle et se livrer à cette séance de nu. Laura Favali (l'amie) et Aurélia Alcaïs (Mélanie) prennent tour à tour la pose, exposent leur corps, après avoir exposé leurs diverses réticences. De la frustration (à peine avouée) à la figure inspirante. Jolie petit récit d'un passage à l'acte.

Une histoire qui se dessine (1999) de Rosette

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Rosette is back et vient chercher des noises à Emmanuel Salinger (on croise décidément tout le gratin du cinéma français des nineties dans ces petites histoires rohmeriennes) : alors que Salinger dessine une passante asiatique, Rosette se met à le prendre comme modèle. Salinger est nerveux et lui rendra la pareille lorsqu'il croisera Rosette en train de dessiner... Vincent Dieutre (diable !). Salinger est sûr de son talent mais il sera surpris par celui de la Rosette qui cache assez bien jeu. Et se prendra au passage une petite leçon d'humilité. Le récit d'un dessinateur pris à dessein dans les filets de Rosette (mouais). Un sympathique petit marivaudage sur fond de crayon de bois (le style classique des portraits de Salinger) et de couleurs (le style plus étonnant de Rosette, plus original aussi). Salinger piqué au vif se fait séduire sur son propre terrain de jeu par une Rosette toujours aussi légère et débonnaire. Malicieux(se).On reprendra bien pour la peine une tranche de Rosette. Ça tombe bien, c'est prévu en fin de programme.

La Cambrure (1999) de Edwige Shaki

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Oeuvre d'une belle sensualité, où l'on reconnaît indéniablement "l'oeil" ou la patte du maître avec ces dialogues "incroyablement" écrits ("Tu es terriblement picturale", oups) et cette évidente sensualité qui s'en dégage de bout en bout (elle est limite pénible Edwige Shaki à enlever 36 fois son débardeur pour exhiber ses seins... je dis "pénible", pour ne pas dire "énervante" pour ne pas dire... bon, on s'entend...). Un jeune homme semble persuadé qu'il ne peut "aimer une femme que si elle renvoie à un tableau". Il ne s'est guère trompé de "modèle" en choisissant la bougresse d'Edwige à la cambrure assez vertigineuse et aux seins absolument, euh, superbes. A force de comparer son amante aux oeuvres de Degas, Magritte et Modigliani, cette dernière se cambre (forcément... "Cela me vexe que tu ne puisses apprécier les miens qu'en fonction de ceux-là" - elle parle de ses seins, si vous me suivez, en référence à ceux de deux "représentations" de Magritte et Modigliani) et rappelle au type que les femmes ne veulent point être "choséifiées"... Et vas-y que j'enlève encore mon débardeur, et que je prends une pose absolument scandaleuse, à quatre pattes sur le lit... Son amant reste de marbre, le spectateur moins. Le type finira - montrant ainsi à quel point les hommes peuvent être diablement romantiques (hum) -, par avoir le mot de la fin (super long comme mot et rohmérien au possible) et par emporter le morceau - sans jeu de mot : "Ce que j'ai vu en tout premier lieu, ce sont tes yeux, qui m'ont fasciné, sinon mon regard n'aurait pas pris la peine de glisser le long de ton manteau"... Le jour où un type vous sort cette phrase sans réfléchir et sans buter, vous pouvez l'épouser dans la seconde, m'est avis. Délicieuse cette petite oeuvre badine mêlant à la fois figure féminine et artistique.

Le Canapé rouge (2004) de Marie Rivière

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Une petite chose rohmérienne (comédie de Marie Rivière avec ce bon Eric en charge, d'après le générique, du "découpage") qui manquait à notre odyssée. C'est ma foi tout à fait charmant et dans la lignée de la réflexion du cinéaste sur la peinture. Jugez par vous-même : Marie croise une ancienne amie qui a repris sa passion de toujours, la peinture. Marie, après une petite réflexion, accepte de poser (en prenant la pose, le temps d’une photo) sur le canapé rouge de son amie : elle aimerait ensuite offrir ce tableau à son amant marié (elle aussi est mariée donc pas de jaloux sur ce point) pour qu'il expose la chose dans son bureau ; ce dernier se montrera au départ un peu hésitant (Ciel, et si on venait à la reconnaître... !) devant un tel projet... Marie découvre finalement le tableau, est un poil déçue (on ne peut pas dire au premier regard qu'elle soit tout à fait reconnaissable) avant que son amie lui expose sa petite théorie sur la peinture : la peinture (au contraire de la photo ou d’un simple miroir) ne doit point chercher à montrer un reflet superficiel des gens mais plutôt à révéler la « quintessence » du sujet... Des propos qui charment notre Marie et qui trouveront un écho inattendu dans le discours de son amant... Murakamien à souhait cette rohmerandise.

Rivière apporte sa grâce et son phrasé impeccable dans cette petite historiette artistico-amoureuse. Elle est au centre de ce trio composé d'une amie lointaine (qui la connaît bien) et d'un amant méfiant (qui l'aime tant qu'elle ne s'expose pas à ses côtés - notez la finesse du jeu de mot) : du classique dans le cinéma de Rohmer et cette petite variation, même si elle semble un peu mise en scène au débotté, est tout à fait agréable. On sent chez cette amie peintre (Charlotte Véry qui, attention, peint tout elle-même) le petit oeil de l'artisane-artiste qui, même si elle ne prend pas trop au sérieux ses "productions", met dans sa peinture son ressenti, sa vision des choses et des gens. Une petite comédie sans prétention mais tonifiante de la Rivière qui coule forcément de source.

Le Nu à la terrasse (2008) de Annie Balkarash

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Jusque-là on avait été assez bienveillant avec ces petites scories rohmériennes. Ce court-là malheureusment est une catastrophe absolue : mal joué, statique en diable (Dieu, c'est pas croyable de jouer avec les mains posées sur le ventre, à notre époque... Il y a des cours, des profs...), un son inaudible et une histoire rocambolesque à deux balles... Un jeune couple achète un nu ; ils invitent pour leur crémaillère la soeur de la jeune femme (un chandelier), son copain (une bougie) et la grand-mère du mec (ouah, c'est la fête). La grand-mère s'éclipse pour un temps (elle a oublié ses médocs chez elle, gasp) et revient pour le dessert. Le lendemain, le tableau a disparu, gasp ! Mystère et boule de gomme ! Tout est laborieux, des dialogues semi-littéraires récités, des explications sans intérêt, un montage affreux, un éclairage terrible. Bref, c'est une croûte absolue, un truc à jeter de la terrasse. Lourdingue.

La Proposition (2009) de Anne-Sophie Rouvillois

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Voici donc ce que serait la dernière oeuvre à laquelle Rohmer a participé. Il est bien entendu encore question d'une jeune femme qui cherche un tantinet à provoquer l'une de ses amies en lui avouant (attention, roulement de tambour) qu'elle a envie de poser nue pour un peintre, diantre ! On pensait qu'elle avait participé à une partouze diffusée sur youporn mais non en fait. La jeune femme admet surtout qu'elle aime se voir nue dans un miroir ; elle incarne, et elle l'avoue volontiers, une sorte de Narcisse des temps modernes... Elle ira chez le peintre, se dénudera comme prévu et déchantera de façon franchement pathétique - Narcisse vite rhabillée... Oui, bon après la vision du court précédent, il y a forcément ici un peu plus de vie ici et ce même si certains dialogues, encore et toujours relativement littéraires, ont parfois quelque peu de mal à passer dans la bouche des comédiennes. On reconnaît tout de même que la petite chute, la douche froide finale, est assez laconique et finalement relativement rhomérienne en soi. Pas de quoi fouetter un pangolin mais il fallait bien une ironique fin à la filmo du maestro.

 

Série : "Anniversaires"

L’Anniversaire de Paula (1993) de Haydée Caillot

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Voilà ce qu'on est en droit d'appeler un anniversaire de merde (ce qui n'augure rien de bon pour la série). Paula (que tal ?) revient à Dunkerque. Elle a 50 ans. Tout le monde s'en fout. Elle croise tout de même une amie qui n'a que peu de temps à lui consacrer. Paula monologue en lui exposant ses problèmes, sa solitude dans cette ville mortifère alors qu'à Paris blablabla... L'amie se barre pour rejoindre son compagnon et Paula finit seule dans un resto. Un homme lui offre une coupe de champagne, elle l'envoie paître et va finalement s'échouer sur la plage de Dunkerque... Brrr... Attention, peut-être un happy end ! Son amie a décidé de lui faire un cadeau (un chapeau) et va lui rendre visite. La porte est close, l'amie (c'est la petite pirouette drolatique mais aussi un peu triste à la fois - le côté rohmer doux amer) décide de garder le chapeau pour elle. Oh ! Paula peut errer dans le brouillard, le dernier plan fout le blizzard... Ah c'est pas gai, très bavard, plaintif, techniquement limite (lumière et son) mais cette chute un tantinet égoïste apporte une petite touche d'humour salvateur. Après c'est Dunkerque, hein, fallait pas s'attendre à la fête à Neuneu. Le plus sale âge, so. Dépressif.

France (1996) de Diane Baratier

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Cette série d'anniversaire continue sur un ton un peu morose avec ce film un peu moins morose que le précédent mais guère plus passionnant ; une jeune femme (Nathalie Moncorger, bien connu son père) fête en ce jour son anniv. Elle aimerait tant le passer avec ce gars Julien qu'elle a rencontré précédemment. Mais il n'appelle point. Donc elle l'appelle, une fois, deux fois avant d'exploser (et de craquer nerveusement) la troisième fois... On connaît tous cette désagréable situation où l'on cherche à hypnothiser son téléphone pour le faire sonner. Putain, appelle, mais appelle. Mais le téléphone reste muet. Ou ce sont les parents qui appellent. Ou un con qui s'est justement ce jour-là trompé de numéro. C'est ce genre de jour d'enfer que vit Nathalie, entre parano (elle prend un type pour un cambrioleur) et loisir défoulant (la danse africaine, une passion à éviter en groupe en cette periode pandémique). Baratier rend bien cette attente qui monte, jusqu'à l'énervement, mais cette petite variation dépressive reste tout de même peu de chose au final.

Des goûts et des couleurs (1996) de Anne-Sophie Rouvillois

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Il est des fois où l'on rencontre quelqu'un et, oulà, incroyable, on a tout en commun : du chiffre préféré à sa couleur favorite en passant par ses goûts musicaux... C'est quelque chose de dingue. C'est ce qui arrive à Eric Viellard (A nos Amours, L'Ami de mon Amie) et à la tête-à-claque Laure Marsac. Alors oui, je vous entends d'ici, on ne peut juger un court-métrage uniquement parce que l'une des actrices est désagréable... Eh bien j'ai envie de dire si : Laure Marsac est tellement maniérée, tellement "mais ouais, euh...", tellement chiante, minaudière, capricieuse qu'elle ferait presque passer Arielle Dombasle pour un routier. Il y a une limite à ne pas franchir avant de devenir insoutenable. Le pauvre Viellard, qui aimerait bien se la taper quand même le jour de son anniv, reste plutôt patient devant les mouvements d'yeux et de bouche de cette fille à laquelle on a dû trop souvent dire qu'elle était jolie avec son physique de pince à linges. Bref, je m'emporte. Tout va pour le mieux pour nos jeunes gens avant que le pauvre Eric lui fasse cadeau d'une robe qu'elle trouve immonde : patatra, tout s'écroule, l'idylle promise part en eau de boudin en deux secondes. Un peu de causticité finale mais là encore, cela ne casse pas trois pattes à un canard.

Heurts divers (1997) de Florence Rauscher & François Rauscher

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Un peu plus intéressant, ce film écrit, réalisé et joué par le frère et la soeur cités ci-dessus. On a un petit faible pour Florence Rauscher dont on connaît toutes les intonations de jeu par coeur depuis Les Rendez-vous de Paris. Le titre joue subtilement, on l'aura compris, sur cette heure d'hiver, qui va permettre, dans la même heure bis, au brother de lourder sa pineco (un modèle de largage bourré de mauvaise foi que je vous conseille amplement si jamais vous ne savez que dire en fin de confinage) et de faire une rencontre et à la sister de taquiner le goujon sur son lieu de travail (un type qui a piqué la voix de Marc Lavoine, c'est pas rien). On est en plein dans cet esprit de marivaudage, de hasard, de coupure nette et de coup de foudre mignonnet. Des dialogues qui se tiennent, un jeu relativement fluide, des histoires minutieusement construites, c'est une belle satisfaction et cette variation mérite pleinement d'avoir le "sceau rohmérien". 

Les Amis de Ninon (1998) de Rosette

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On finit dans la joie et en beauté avec l'amie Rosette qu'on a l'impression, au fil de ses aventures intra et extra rohmériennes, de connaître comme sa poche. Pour son anniv, Rosette décide, avec son amie Julie, de convier certains de ses ex ou flirts passés. Une bonne idée pour mettre l'ambiance ; les convives arrivent (ils ont soit des fleurs, soit le même cadeau, rires), sans leur compagne (partie ou jalouse) et dans une ambiance tendue comme une barre de fer chacun fait connaissance, un sourire crispé au bord des lèvres. La palme revient à l'ami Pascal Greggory en plein marasme, jouasse comme un corbac. Non seulement, il sent qu'il a raté sa vie mais il enchaîne gaffe sur gaffe. Quand une bande de djeun's arrive avec leur musique de dégénérés, il craque, ainsi que les trois autres types, pas vraiment, finalement, à leur place. Rosette, elle, s'éclate. Le sel de la chose vient surtout des petites réflexions qu'échangent Rosette et Julie à propos des invités ; directe, franche, pleine de répartie, Rosette n'est pas du genre à rester la langue dans sa poche face à ces fantômes du passé un peu dépassés. Des petites piques pleines d'ironie qui font souvent mouche. Rosette met le feu en lançant ses bras en l'air, beau point d'orgue à cette série à laquelle elle donne toute sa légereté et sa joy de live.

Il est temps de refermer la porte de cet atelier, sympathique petite parenthèse dans l'oeuvre de Rohmer qui a aidé à la chose en mettant à disposition une équipe technique et en apportant son oeil et son expérience au niveau du découpage. Un roi de la colle et des ciseaux cet Eric, un vrai manuel littéraire.

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Commentaires
F
Vous devriez faire plus souvent des posts comme ça avec des photos de femmes à poil. C'est très agréable !
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