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24 avril 2020

Gibier de Passage (Wildwechsel) (1973) de Rainer Werner Fassbinder

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L'amour est décidément froid comme la mort dans ce Fassbinder glaçant comme une douche froide. Faites des gosses, ouais, et chérissez-les... L'injonction sonne creux à l'aune de cette histoire d'une famille allemande tristement moyenne ; il est routier, elle est femme au foyer, ils ont une ado de 14 ans rotonde, fille à papa. Seulement voilà, la fifille va se faire entraîner par un clone de Riton la Banane, con comme une meule - la sienne. Il emmène la jeune donzelle dans les foins et lui fait perdre sa virginité. Elle est amoureuse, il est arrêté, prison, fin de l'histoire ! Eh bien non, pas fin de l'histoire du tout. Quelques mois après, il ressort, attend l'ado à la sortie de l'école, et c'est reparti comme en 14 - en prime, il la met enceinte. Le père ne le sait point mais en apprenant que sa fille a revu le gars, il la gifle et a des envies de meurtre ; bon, il apparaît que ce routier est un peu réac aux entournures, ayant des propos qu'il faut avoir le courage d'assumer (ouais, avec Hitler, il serait allé en camp de concentration, ouais, ce genre de type il faudrait le castrer... et autres réflexions d'une intelligence supérieure. Bref). La jeune fille, elle, de plus en plus sous pression du père, enceinte de trois mois, a alors une riche idée, une idée qu'elle s’empresse de partager avec son Riton dorénavant sans banane : et s'il tuait le pater, cela résoudrait les problèmes ! Pardon ? Ouais, t'occupe, je vais trouver un flingue, ensuite à toi de me montrer que tu es un homme... Je mettrai bien six points de suspension. Qu'adviendra-t-il ? Les mots "sordide" et "glauque" devraient suffire à vous donner une idée de la suite de cette aventure. Love is dead et putain de progéniture ingrate...

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Fassbinder, en adaptant Kroetz, n'y va pas avec le dos de la cuillère au niveau de la perte de moralité. Si le père est loin d'être des plus sympathiques (en cas de crise, faut pas être nostalgique, surtout lorsqu'on est boche : on risque facilement de déraper - je passe d'ailleurs sous silence ses propos édifiants sur les juifs), ce jeune couple a franchement quelque chose d'effarant ; il travaille, le gazier, dans une usine de poulets et il semble avoir autant de cervelle que ces volatiles qu'on plume et découpe à la volée. Le pire, c'est que la gamine à peine pubère malgré des formes indéniables, l'entraine sans avoir besoin de trop insister dans un cercle vicieux absolument ignoble. Fassbinder filme cette histoire de façon frontale (on rentre dans le quotidien de cette famille allemande en deux minutes lors de cette séquence d'ouverture en intérieur, un samedi matin banal), sans avoir besoin de forcer le trait pour nous faire croire à l'enchainement logique de ce récit qui va jusqu'au bout de l'horreur. La fin, encore plus froide et sordide qu'un meurtre, fait ressortir tout le côté absurde, puéril, sans affect de ce fait divers. Si les parents n'ont pas inventé la soupe, la gamine (et son copain plus manipulable que de la pâte à modeler) n'a pas inventé l'assiette. Son "caprice" (et le passage à l'acte fait froid dans le dos) est d'une stupidité sans fond, mais c’est la seule qui lui semble valable face aux accès de colère et de violence de son père… Fassbinder monte cette petite mécanique froidement, sans avoir besoin de soigner ses effets (la bande musicale est très discrète - si ce n'est cette chanson d'amour à deux balles qui sonne encore plus creux au vu de cette relation entre les deux jeunes gens...) et signe sans doute l'un de ses films les plus directs, un véritable uppercut. Radical.

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