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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
24 avril 2020

Prenez garde à la Sainte Putain (Warnung vor einer heiligen Nutte) de Rainer Werner Fassbiner - 1971

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Ambiance dépressive et poisseuse pour ce Fassbinder, qui ne nous avait certes pas habitués à des atmosphères de fêtes de la bière, mais qui pousse quand même ici assez loin le bouchon de la déprime. Sûrement habité par le manque d'inspiration et l'angoisse de la page blanche, le gars nous sert un portrait d'un tournage au point mort : tous, techniciens, acteurs, attendent que le réalisateur Jeff retrouve son génie, dans cette résidence espagnole surannée ; et en attendant, ils trompent leur ennui en s'envoyant des Cuba Libre, en baisant comme des lapins et en s'engueulant comme du poisson pourri. Une hypothétique subvention doit tomber, mais même si elle arrive on sent bien que Jeff n'est plus à la hauteur : hystérique, neurasthénique, il ne sait plus que donner de vagues ordres pour placer les rails de travelling ou diriger ses stars (Eddie Constantine) et passer ses nerfs au hasard, de la maquilleuse à l'interprète, du producteur (Fassbinder himself) aux seconds rôles. On pense parfois à L'Etat des Choses, ce beau Wenders sur les difficultés de la création ; mais Fassbinder, avec son ton plus abrupt, plus violent, transforme ce sujet en douloureux moment entre immobilisme et pointes de violence (les gifles assénées par Jeff pèsent leur poids), et finit par vous assommer de nihilisme.

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Le mot d'ordre du film : soigner ses cadres. Fassbinder dispose ses 15 personnages dans un dispositif très rigoureux, décuplant les profondeurs de champ, favorisant les plans longs, et livre une sorte d'essai géométrique glacé, les acteurs étant soigneusement placés façon objets vis-à-vis des autres. Le résultat : de très beaux cadres pensés au millimètre, qui permettent de suivre, en fond d'écran, les micro-agissements des uns par rapport aux autres placés au premier plan. Les immenses espaces vides, tous tournant autour de ce fameux bar qui délivre les Cuba Libre façon métronome, favorisent la sécheresse de ce dispositif, ainsi que l'utilisation de très savants plans-séquences. La mise en abîme du film, qui se concentre sur un plan mobile difficile à réaliser pour Jeff, permet aussi d'apercevoir les difficultés du gars, et par la bande celle de Fassbinder, à produire des films techniquement imposants. Une fois qu'on a dit ça, reconnaissons aussi qe le sujet (l'ennui d'une équipe de cinéma en attente de l'argent) est souvent assez chiant, et que la majorité du film ne laisse voir que des êtres, la plupart réduits à l'état d'épaves, mornes et braillards, patientant immobiles en attendant l'événement ; on laisse passer ça sans déplaisir mais sans non plus grand intérêt. C'est surtout que l'ensemble est vraiment déprimant, montrant un Fassbinder s'enfonçant dans l'auto-apitoiement de façon un peu trop volontariste. Si bien qu'on trouve le film mal-aimable au bout du compte, malgré la présence de toute la bande des intellos allemands de l'époque (Schroeter, Schygulla, Caven, von Trotta...) et malgré un indéniable talent technique.

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 alles fassbinder ist hier

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