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Shangols
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20 avril 2019

Scarface de Brian de Palma - 1983

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Shangols fait dans les standards en ce moment, mais pour ma part je ré-explore les films qui ne m'ont qu'à moitié convaincu, pour voir si des fois ils ne révéleraient pas aujourd'hui leur beauté à l'homme mûr et apaisé que je suis. Retour donc sur Scarface qui m'a toujours un peu embêté dans la carrière mirobolante du bon Brian. Non pas que je le trouve raté, non, non pas que je passe à côté de son aspect parodique (ce que les gangsters du dimanche, qui ont pris Tony Montana comme icône, ont allègrement fait de leur côté), non pas que je ne le trouve fun de temps en temps ; mais le film me semble assez pauvre dans sa mise en scène, ou en tout cas manquer du clinquant baroque propre à son auteur. Pas assez de split-screen, voilà, c'est ça. Bon, à la revoyure, j'accorde un peu plus de bienveillance à ce film fondateur d'un certain cinéma, mine de rien, et aussi déclencheur d'une suite qui reste immortelle (L'Impasse).

Scarface-1983

De Palma s'empare sans vergogne du film de Hawks et lui insuffle de la modernité. Il s'appuie en effet sur les relations diplomatiques compliquées entre les States et Cuba, et parle de la masse d'immigration cubaine, masse au milieu de laquelle traînaient quelques indésirables hors-la-loi dont l'île trouvait pratique de se débarrasser par la même occasion. Débarque alors Tony Montana (aka Al Pacino, grimé comme au cirque pour le faire ressembler à un autochtone), petite frappe sans envergure mais à grande gueule, bien décidé à bouffer l'Aémrique, à se faire un nom et à parvenir au sommet, suivant en cela les Jimmy Cagney et autres Paul Muni qui l'ont précédé. "The world is yours" est sa devise, et on va suivre sa lente ascension dans le milieu de la pègre cubaine, depuis son premier coup pendable (au cours duquel il manque d'être découpé à la tronçonneuse quand même) jusqu'à la déchéance et la chute finale, chargé de cocaïne jusqu'aux cheveux. On connaît toutes les étapes du bazar pour peu qu'on ait vu un film de mafia réalisé depuis Scarface : les petits coups minables, les audaces, les rapports avec les flics pourris, les arrestations, les gros coups durs, les amours tumultueuses (les jambes de Michelle Pfeiffer dans le rôle), les trahisons et règlements de compte sanglants, puis les excès mythomanes et barbituriques, et enfin la grande scène où on envoie tout en terme de munitions et de cris d'oie. La qualité du film ne sera donc pas à chercher dans les détails d'un scénario un peu courru d'avance et qui n'exploite que peu son contexte politique. De Palma abandonne assez vite la piste du déraciné vengeur pour se concentrer sur sa simple trame d'ascension, et même si les origines cubaines de Montana sont brandies haut et fort, on cherchera en vain une allégorie politique dans le film (et c'est pourtant Oliver Stone au scénario).

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On s'attardera plutôt sur la direction d'acteur, qui indique clairement que de Palma se moque pas mal de son personnage, tout en le craignant : Al Pacino, on peut le dire, se donne corps et âme dans le film. Qu'il en fasse souvent trop, c'est évident, mais c'est pour mieux servir l'aspect très ironique du film : le rêve américain est ici outrageusement travesti en appât du gain pur et simple, et les rodomontades de Montana cachent mal que, sous couvert de statut d'immigré revanchard, il ne cherche qu'à se fourrer des tonnes de coke dans le blaze. Son ascension est assez pitoyable, et c'est d'ailleurs une excellente idée de lui avoir adjoint un compatriote (Steven Bauer), beaucoup plus calme et beaucoup moins ambitieux, qui apporte un regard calme sur le personnage. La musique de Moroder en a pris un petit coup derrière les naseaux, mais apporte un grin de contemporaneité à la chose, et De Palma, même si sa mise en scène manque un peu de flamboyance, réussit au moins deux passages avec brio : le fameux massacre à la tronçonneuse, qui détourne le fameux hors-champ du film de Hawks ; la caméra semble imiter celle de 1932, sortir du lieu de la tuerie par pudeur, mais quand elle revient à l'intérieur, rien n'a débuté et on plonge tête première dans l'horreur (je fais le malin, mais il y a le même effet dans Week-end de Godard). Autre grand moment de bravoure, devenu culte : la scène finale, où Montana est littéralement criblé de balles mais reste debout et plein de morgue, tenu qu'il est par la coke, avant son plongeon dans une gerbe de sang du haut de son balcon. Dans ces deux moments, on sent le De Palma baroque qui frémit devant les effets qu'il pourrait envoyer, on sent qu'un vrai metteur en scène est derrière ce film un peu trop calibré ; mais la plupart du temps, le film, même agréable à regarder et parfaitement réalisé, manque un brin de caractère, ce qui est aberrant pour un styliste comme notre Brian. On ne cesse de songer aux Parrain, autrement plus ambitieux et intelligents, mais aussi à tous ces films de Scorsese ou de Leone qui réussissent des portraits de gangsters avec beaucoup plus de panache. De Palma a voulu lui aussi faire son film de hors-la-loi shooté, mais il est un peu à la traîne par rapport à ses camarades. Il faudra attendre le retour de Pacino sous sa caméra pour atteindre au chef-d'oeuvre.

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Des Palmes pour De Palma

Commentaires
B
Oups... t’as raison le chevelu. Je m’étais trompé de grille Télé 7 jours: Brazil est une très grande œuvre révolutionnaire et novatrice du génial et débridé Gilliam, où la créativité et l’inventivité vont de pair. Un incontestable sommet du cinéma américain des années quatre-vingt.
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S
Dire que "Brazil" est ringard, c'est vraiment nul ! C'est un très grand film visionnaire, à la créativité inépuisable. Honte à vous de proférer, sans argumenter bien sûr, de telles bêtises !
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C
Scarface, Brazil,.. ça vous pique pas les yeux de revoir tous ces trucs rococos-ringos ?!
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