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Shangols
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19 février 2021

Le vénérable W. (2017) de Barbet Schroeder

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Le moine, drapé dans sa couverture safran, peut-il être fourbe et calculateur ? On aurait forcément envie de dire oui après la vision de ce doc sur les "divers problèmes" rencontrés par les Musulmans et en particulier le Rohingyas en Birmanie et sur le rôle joué par le mouvement "969" (puis Ma Ba Tha) dirigé par cet intrigant Wirathu (dit W. pour les intimes). Schroeder retrace avec une grande clarté les raisons et l'enchaînement des émeutes anti-musulmanes entre 2003 et 2013. Dur d'être une minorité surtout lorsque l'on devient la tête de turc d'un moine à forte influence. Wirathu, sous couvert de protéger les "Birmans de souche" et les bouddhistes, va mettre au point toute une rhétorique et une  stratégie de communication pour faire des musulmans le grand Satan (si je peux me permettre ici) ; nationaliste jusqu'au bout des cheveux s'il en avait, notre petit bonze va littéralement mettre le feu aux poudres, soufflant lui-même sur les braises à la moindre occasion de rébellion anti-musulmane. Au moindre écart commis par des musulmans (d'un viol collectif sur une Birmane à une discussion qui tourne mal dans un magasin de bijoux en passant par des histoires... non avérées), les musulmans seront pointés du doigt par son "mouvement" et dénoncés dans des DVD distribués à la pelle... Des émeutes éclateront ici ou là sur la côte ouest birmane avant de se propager dans le centre du pays : magasins et mosquées brûlées, musulmans battus à mort avant de finir sur un bûcher (certaines images nouent l'estomac, indéniablement)... Tout cela devant les yeux des forces de l'ordre qui n'interviennent pas, restant bras croisés devant ces diverses exactions (cela me rappelle plus récemment une situation maho... ah oui, pas le sujet) - celles-ci interviendront par exemple directement en juillet 2016, dans la région d'Arakan, suite à une insurrection musulmane (le fameux scandale sous l'ère Aung San Suu Kyi).

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Mais derrière cet aspect historique des plus intéressants, c'est surtout la personnalité de ce W. que Barbet Schroeder tend à vouloir nous faire découvrir. En surface W. est calme comme l'eau d'un lac recouverte de nénuphars et de fleurs de lotus, en été. On ne le voit que très rarement s'emporter : lors des interviews notre moine exprime sans sourciller ses théories racistes fumeuses, avec une mauvaise foi indéniable (les moines sont là pour rétablir le calme... et protéger la population - alors même que ce sont eux les assaillants, certains hommes armés prêtant même allégeance devant les caméras à l'homme à la peau orange), ponctuant parfois même sa présentation nauséabonde avec un grand sourire innocent. Lors des discours qu'il fait devant des assemblées de plus en plus nombreuses, notre homme emploie des méthodes de mauvais instituteurs pour faire passer ses idées (genre "chez qui on doit faire ses courses : chez un salopiot de musulman ou chez un bon Birman ?" - la foule, en choeur, chez un B...). Il n'y a qu'à de rares occasions qu'on voit toute la haine qui bout en lui remonter à la surface : lorsqu'il envoie paître sa tenue blanche de prisonnier, une fois libéré, en ruant des deux pieds ou lors de ce discours fatidique où il traitera la responsable de l'ONU de "putain" - non, cela ne se fait pas, même en cas de grosse colère. Présentation donc d'un type à la peau d'orange plutôt lisse mais envahi de l'intérieur par les vers de la haine et du racisme (aime beaucoup Marine et Donald, le bougre, étonnant, non ?). Un doc didactique réglo qui nous donne à voir un paisible diablotin orange au cerveau gangréné par le mal. L'habit ne fait pas le moine.   (Shang - 23/08/18)

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Rien à ajouter, le texte de Shang est parfait. Pas besoin non plus pour Schroeder d'en rajouter : son personnage principal est suffisamment fort pour qu'on se contente de la simple terreur qu'il inspire, et pour que le cinéaste n'ait besoin que de le cadrer pour faire un film fort. Les séquences d'interview sont proprement hallucinantes, tant Wirathu est fascinant avec sa sûreté de ton, ses pensées nauséabondes et les petits sourires qui concluent ses phrases les plus immondes. Le montage est classique mais habile entre les face-à-face avec le zigoto et les images documentaires qui resituent sa pensée dans l'histoire de la Birmanie, et j'avoue avoir découvert ce petit bout d'Histoire récente (et notamment le rôle ambigu de Aung San Suu Kyi dans cette sombre page). Il fait pas bon être musulman dans un pays bouddhiste, ça non, et vous êtes priés de laisser les clichés sur les bons moines rasés et zen au vestiaire : les gusses sont tout autant capables de xénophobie, de racisme, de crime contre l'humanité que les autres, il manquerait plus que ça. On contemple cette catastrophe se dérouler, terrifiés par le simplisme des idées d'un homme qui a réussi à soulever un peuple grâce a ses délires, c'est bien triste.   (Gols - 19/02/21)

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