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Shangols
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19 février 2021

Les Habits de la Vanité (Itsuwareru seiso) (1951) de Kôzaburô Yoshimura

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Bien fait de m'intéresser de plus près à l'ami Yoshima tant ce portrait de deux femmes dans l'après-guerre est saisissant, magnifiquement dépeint, plein d'émotion et de symboles : deux sœurs, l'une geisha (la rotonde et sensuelle Machiko Kyô as Kimicho), opportuniste, tout terrain, pragmatique, l'autre travaillant dans une société moderne de tourisme (la grande gigue Yasuko Fujita as Taeko, des faux airs de Thérèse...), effacée, pudique, douce. Deux femmes, deux mondes : Kimicho incarne cette époque d'avant, celle "traditionnelle" de la geisha au service des hommes - mais une geisha qui, pour le coup, sait rester les pieds sur terre : elle travaille pour l'argent, et l'argent elle l'obtient, quitte à s'oublier totalement. Taeko, elle, se réserve pour l'homme qu'elle aime : l'amour devrait suffire pour être heureux et le mariage est la seule option possible. Rêveuse Taeko qui fait fi de l'accord de la mère de son fiancé, qui pense que l'amour est plus fort que tout... Kimicho, de son côté, est sans scrupule mais sans illusions - au moins elle sait où elle va, consciente que l'argent est le nerf de la guerre. Taeko est dépendante de son fiancé, trop mou, trop indécis (si ce n'est pour vouloir l'embrasser dans les coins) et ses petites illusions risquent de rapidement tomber à l'eau. Deux femmes, deux systèmes, deux mondes, chacune tentant bon an mal an de jouer dans leur division, l'une active, prenant des risques (mais attention : trop de protecteurs tue le protecteur), l'autre passive, observant, écoutant, attendant...

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C'est assez remarquable la façon dont Yoshimura croise ces deux destins, ces deux femmes, tout en évoquant de multiples personnages qui vaquent autour : des femmes, surtout, la mère des deux jeunes filles tenant un "salon" ; outre Kimicho, on fait ainsi la connaissance d'une jeune fille à la santé fragile dont la toux devient de plus en plus préoccupante - un élément tragique potentiel ; et puis il y a donc la mère, bien sûr, en compétition avec une ancienne connaissance : cette amie tient également un salon un peu plus classieux mais sa jalousie est terrible depuis que la mère des deux sœurs lui a piqué son protecteur (mort depuis). Cette guéguerre, cette rancoeur a des conséquences, car Taeko est amoureuse du fils de cette autre tenancière - qui forcément s'oppose au mariage. Cerise sur le gâteau, Kimicho lorgne sur un des plus riches clients de cette tenancière si fière : ça sent le fight... Puisqu'on vient d'évoquer un homme, faisons la transition : il y a donc ce fiancé de Taeko, un peu penaud, et les divers clients de Kimicho - qui a une dangereuse tendance à jouer sur tous les tableaux. Tant qu'elle gagne, elle joue : jusqu'au jour où ça casse et qu'un client, à bout, pète un câble...

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Kimicho, individualiste, n'est a priori guère sympathique, même si peu à peu, on se rend compte qu'elle est la seule capable d'éponger les dettes de la famille ; elle fait son petit bonhomme de chemin en solo mais elle ne perd pas de vue le(s) bien(s) de l'ensemble de la famille. Elle n'attend rien des autres et livre son combat de son côté ; Taeko, forcément, a le beau rôle de la fifille bien sous tout rapport mais son manque de caractère et de volonté risque de finir par lui nuire. Ces deux sœurs n'ont a priori rien à voir mais sont faites pour se compléter : Kimicho saura trouver les mots quand Taeko se retrouve au fond du trou et Taeko, par sa liberté et sa "pureté", justifie toutes les actions de Kimicho ; cette dernière, pour reprendre un joli symbole du film doit défoncer les barrières pour (espérer) survivre et surtout pour permettre à sa sœur (l'avenir de la femme japonaise ?) que les barrières s'ouvrent devant elle. Des désillusions (Taeko tombe de haut), du charme (Kimicho "sait y faire" avec les mâles) et un final qui oscille entre tragédie (la course poursuite de l'homme au poignard... digne d'un thriller) et vagues espoirs de lendemains qui chantent... Du bel art parfaitement mis en scène (Yoshimura n'a rien à envier à Ozu dans son utilisation des trains) et une Machiko Kyô absolument étincelante dans ce rôle antipathique mais courageux - le pragmatisme a un coût... (Shangols a 15 ans sinon...)

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