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21 février 2017

Marquis (1989) de Henri Xhonneux

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Henri Xhonneux et Roland Topor (les créateurs de Téléchat, respect éternel) s'associent pour mettre en scène ce film hybride qui rend autant hommage à Buffon pour l'aspect des créatures qu'au Marquis de Sade pour le contenu. Quelques semaines avant la prise de la Bastille, on retrouve notre célèbre Marquis incarcéré. Le gars passe son temps à écrire et à s'entretenir avec Colin, son sexe - des discussions à bâtons rompus où l'on sent souvent poindre le désaccord. Dans les cellules adjacentes se trouvent l'ancien chef de la police soupçonné de connivence avec les révolutionnaires, un boucher porcin expert en marché noir et une jeune femme, mise en enceinte par le roi, tenue au secret. Il est forcément question d'évasion, que celle-ci soit physique ou philosophique - Sade, entre deux écrits érotico-pornographiques, ou disons simplement libertaires, fait part de ses conceptions personnelles de la liberté et de sa foi en son imaginaire ; comme il finira par l'écrire après avoir définitivement donné congé à sa bite (oui, faut le voir pour comprendre): "Ce n'est pas ma façon de penser qui a fait mon malheur, c'est celle des autres".

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Si les créateurs de Téléchat appelaient un chat un chat, ils ne font pas plus de compromis pour montrer une bite sous forme de bite (coup de cœur personnellement pour le col roulé). Sade, gracieusement membré, ne se contente de débattre avec son sexe, il le met en scène dans des spectacles "in vivo" (il lui a construit un petit théâtre) ou dans ses écrits. Si tout le monde semble s'offusquer des pensées du marquis, tout le monde se repaît de ses livres qui s'arrachent comme des petits pains - le solitaire Sade, destiné à être enfermé dans sa cellule et son imaginaire, a une influence semble-t-il évidente pour combattre les hypocrisies de son temps et faire croire à la possibilité de la mise en œuvre des fantasmes (qu'ils soient sexuels ou politiques, le film se concluant par la prise de la Bastille juste après la « fuite » des idées et de Sade himself de ce lieu symbolique). Topor et Xhoneux poussent parfois le bouchon et le homard un peu loin, ce dernier pouvant notamment facilement s'introduire jusqu'à la garde dans l'orifice d'un gardien de prison pour peu qu'il y a de la mayonnaise - on sent bien qu'ils se retenaient d'appuyer sur la pédale dans Téléchat et qu’ils ont pleinement décidé ici de lâcher les chevaux (et les homards). L'idée n'est pas de chercher à choquer le bourgeois ou le noble mais bien d'être au diapason de l'imaginaire sadien qui se permettait dans ses écrits toutes les libertés, toutes les mise en scènes les plus débridées. Les histoires contingentes évoquent une société guère reluisante entre ce maître-chanteur gardien de prison (une sodomie en échange d'une langouste, c'est le contrat), de ce prêtre obsédé qui pille l'œuvre du marquis et qui se plait à exciter ses "ouailles" durant des partouzes déguisées, ou encore l'ensemble des soldats de la garde constamment ronds comme des cochons. Sade apparaît comme le parfait bouc-émissaire de cette société où tous les excès se consomment en cachette tout en les condamnant fermement en public. Il est celui qui ose écrire "tout haut" ce que les gens pensent et souhaitent "tout bas". Il est donc l'ennemi du pouvoir et celui qui parviendra, d’une certaine façon, à faire tomber ces murs. Une œuvre cinématographique avec sans doute quelques creux mais qui rend hommage avec une véritable originalité esthétique à la pensée totalement libérée du divin marquis. Une oeuvre singulière et, de façon ingénieuse, absolument non-conformiste - en parfait accord avec son sujet.

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