Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
10 juin 2014

Premier Amour, Version infernale (Hatsukoi: Jigoku-hen) (1968) de Susumu Hani

vlcsnap-2014-06-09-23h38m27s173

Il est des films qui ont des allures de mirage. Ici le postulat est simple... mais les (jeunes) personnages beaucoup plus complexes. Une chambre d'hôtel au Japon. Ils sont mineurs. Elle a l'air de ne pas en être à son coup d'essai. Il est plus neuneu que la fête éponyme. Qui sont ces deux jeunes gens qui se retrouvent dans les mêmes draps, elle nue, lui couillon, incapable d'aller plus loin qu'un baiser, les lèvres closes ? On ne tarde pas à découvrir que notre jeune homme a des tendances... pédophiles et qu'il fut abusé sexuellement par ses parents adoptifs (on sait dès le départ qu'on n’est pas dans du Lelouch,on est rassuré). Notre jeune fille travaille dans une boîte de strip-tease et n'hésite point, de temps en temps, à suivre un client dans des soirées un peu spéciales : celui-ci la met en scène avec d'autres femmes ; ces femmes, dans des tenues affriolantes, se crêpent le chignon sous le clic-clic avide des Nikon des invités mâles. Avoir 17 ans in 1968 in Japan.

vlcsnap-2014-06-09-23h39m06s136

Susumu Hani n'est pas du genre, a priori, à vouloir nous servir de la fesse et de la trash culture juste pour le plaisir. Il nous plonge, plutôt, la tête la première, dans l'univers de ces deux post-ados en manque de repères, deux êtres manipulables à souhait qui pourraient, éventuellement, sortir la tête de l'eau grâce à cette promesse d'amour... A l'aide d'un montage terriblement éclaté et échevelé, Hani nous expose la vie peu glorieuse de nos deux héros. Lui, qui a perdu son père, qui fut abandonné par sa mère, a pu enfant, enfin, trouver une famille d'accueil "bien sous tous rapports" qui l'a tripoté. Lorsqu'il se retrouve dans le parc avec cette petite fille qui est sa seule amie, le jeune homme, jusque-là victime, lui glisse une main sous la robe. On est à la fois scié (et horrifié) d'assister à une telle scène mais Hani sait constamment comment placer sa caméra, accélérer le montage pour ne jamais placer le spectateur en position de pur voyeur pervers ; notre jeune homme est observé par un gardien du parc qui va se faire une joie de le courser, d'ameuter les habitants des environs et de le tabasser. S'en suit une séquence très troublante où le jeune homme, face à un psychologue, repasse "sur l'écran de ses pensées" ce viol et ceux qu'il a lui-même subis plus jeune. Ce procédé de "projection d'images / de souvenirs" permet d'être en phase avec la psyché tumultueuse de notre héros dont l'on comprend le blocage sexuel initial face à sa jeune amante...

vlcsnap-2014-06-09-23h40m07s134

On va également suivre les exhibitions de la belle qui se font sous les gros yeux des Nikon (plus tu as un gros Nikon, moins tu... on connaît l'adage) d'adultes en manque. La jeune poupée paraît en bikini, en pitite culotte ou joue à la femme dominatrice... Derrière ses rôles que l'ado endosse généralement avec le sourire et un certain sans gêne est mise en scène une société japonaise peu reluisante, obsédée par le "reluquage" de chair fraîche, de femmes "en action" qui s'autodétruisent, une société spectatrice en quelque sorte de sa propre décadence. Même si parfois on finirait presque par s'y perdre dans tous les détours de cette histoire ...simple, on en ressort avec le sentiment d'avoir saisi sur le vif la vie de ces deux ados, leur drame pour ne pas dire leur tragédie, dans une œuvre à l'esthétique, à la construction indéniablement "ambitieuse" : cette caméra toujours en mouvement, le montage très dynamique qui semble asséner des images subliminales et les méandres de ce récit qui semble se "refermer" sur les deux protagonistes (ils se donneront une nouvelle fois rendez-vous dans cette chambre close), autant d'élément qui font forte impression pour un premier contact avec ce Susumu Hani dont la vision de ce Japon late sixties marque des points et les esprits. A redécouvrir dit-il de sa petite voix.  

vlcsnap-2014-06-09-23h40m35s189

Commentaires
Derniers commentaires