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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
1 avril 2014

Cybèle ou les Dimanches de Ville d'Avray (1962) de Serge Bourguignon

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Bourguignon signe-t-il un film qui a un effet bœuf ? Il y a de cela mais heureusement que le film est plus subtil que mes calembours et autre ratatam. Les Américains en auraient fait un film noir (un pilote de ligne revient traumatisé de la guerre après avoir croisé dans son viseur le regard effrayé d'une enfant), les Français en font un simple film en noir et blanc avec une photo signée du grand Henri Decae. Cet homme (Hardy Krüger - tous les Allemands ont le même accent terrible en français : ein Kaucheumarrrrrrrr pour les ingénieurs du son) tente de reprendre pied sur terre malgré des maux de tête, des vertiges, des absences ; il a son ex aide-soignante à ses côtés pour lui donner un peu de lingerie fine (vintage) et des baisers doux : Nicole Courcel qui vaut plus que sa côte au Monopoly. Mais celle qui va réellement réveiller notre homme, lui donner du sang frais, de la joie, de l'émoi, c'est une gamine de 15 ans qu'il va croiser un jour, par hasard, dans une gare (il y vient pour "retrouver son passé" comme dirait l'un des personnages du film et il est indéniable que la gamine va lui redonner une certaine innocence alors qu'il pensait que sa petite mécanique humaine interne était cassée). On pourrait très bien s'arrêter là au niveau de l'histoire et c'est d'ailleurs ce que l'on va faire.

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Ville d'Avray a des allures de Moulins en pire : son lac, son clocher, sa grisaille, ses bois, son internat de sœurs - ça fait presque froid dans le dos rien d'y songer (c'est sympa en fait une tempête tropicale, à tout prendre). Quand Bourguignon, en suivant notre petit couple atypique (lui, un brin neurasthénique, elle gentille mais un peu trop gentille) en balade au bord d'un lac tristounet, nous balance l'Adagio d'Albinoni, c'est clair qu'on pourrait prendre cela pour une menace de mort, comme s'il ne voulait pas qu'on aille au bout de son film les yeux ouverts... J'exagère, ce sera ma seule réserve, elle est mineure : l'ambiance n'est pas vraiment olé olé - c'est Ville d'Avray, pas Rio, le titre ne nous a pas pris en traître. Parce que sinon, avouons qu'il y a de très très belles choses dans ce film sur le fil du rasoir (tu proposes aujourd'hui ce scénar en Belgique, tu vas directement en prison - sans discussion possible...). Dans la forme tout d'abord (ben oui, j'ai envie de commencer par-là) avec un Decae en très grande forme (sous l'influence de Bourguignon ? Oh ben sûrement, tenterais-je) ; à pratiquement chaque séquence l'Henri a une trouvaille pour trouver des angles de vue improbables, faire des effets spéciaux à la main, jouer subtilement avec des éléments du décor : ici c'est un cadre dans le cadre grâce à un retro en mouvement audacieusement utilisé, là un trou dans une grille en fer qui tombe pile poil pour cerner notre héros esseulé, là-bas une séquence filmée au travers d'un verre, tout là-bas une vue fragmentée sur le paysage comme s'il était vu à travers une pierre polie, tout là-bas là-bas un plan qui joue malicieusement avec les reflets quasi-parfaits de ce lac d'huile - j'arrête là, je n'ai plus d'adverbes de lieu. De même, nombreuses sont les transitions d'une séquence à l'autre qui sont intelligemment réfléchies (le plan sur les chevaux dans les bois puis sur les chevaux de bois - par exemple, voyez ?). C'est grâce à toutes ces petites idées que le film est un régal, déjà, pour les yeux.

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Mais il y a bien sûr, avant tout, cette alchimie entre ce grand corps malade et cette jeune fille moins timide qu'elle en a l'air avec ses yeux qui lui dévorent le visage. Notre aviateur tombe dedans comme s'il s'agissait du seul moyen pour oublier son vertige. Entre les deux il y a de l'amour (mais rien de graveleux, par pitié, oubliez ma maladroite parenthèse caustique sur la Belgique), de la tendresse, de la confiance, de la magie. Notre homme dévoué à la môme retrouve sa part de rêve en la faisant rêver (attends, je vais me relire... mouais, je me comprends). Ils sont tous les deux dans leur monde (la sublime idée des ronds dans l'eau qui sont les murs de leur royaume...), font fi de tout ce qui les entoure ; plus la gamine fait part de ses peurs, de ses angoisses, plus l'homme oublie les siennes. C'est à qui pensera le plus à l'autre même si cela n'est pas parfois sans danger (les mini crises de jalousie de l'homme qui a peur de perdre "sa dévouée", la mini crise de larmes de l'adolescente qui peine à supporter son absence le temps d'un dimanche). Deux individus fragiles qui s'entraident au milieu des bruits du monde (le travail sur la bande son est également remarquable - ça crisse, ça craque, ça scrwinque à qui mieux mieux). Seulement voilà, hein, peut-on vraiment échapper à ce monde sans devoir finalement lui rendre des comptes ? Bien qu'animée par les meilleures intentions du monde, la Courcel va, malgré elle, mettre les pieds dans le plat et les chiens en chasse... Jusqu'au drame, terrrrrrible. Un film joliment mitonné dans la forme qui laisse au palais une saveur aussi bien sweet (la connivence qui existe entre ces deux-là) que sour (difficile de survivre dans ce monde brutal, bruyant, aveugle à la douceur des choses et à la beauté de l'innocence). Si beau.

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Commentaires
F
Ce film longtemps introuvable est récemment ressorti en version restaurée. L'ambiance est bien celle du livre même si l'auteur s'est dit trahi. Du côté de la gare de Ville-d'Avray, c'est bien "des rues grises et des manteaux noirs", les années 50 chantées par Gilbert Laffaille. <br /> <br /> Il est intéressant, s'agissant des relations d'un trentenaire avec une fillette, de le comparer à "Alice dans les villes" de Wenders.
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G
T'inquiète Shanghoul, le Gerbomitch y nous a fait un April Fool.
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M
Ne mettez pas les dernières vôtres à défendre l'indéfendable, c'est-à-dire un film daté, poussiéreux, ronflant. C'est un tout petit film que celui-là.<br /> <br /> <br /> <br /> C'est pas parce qu'il y a un plan, par-ci par-là, dans une trouée de grillage ou dans un rétroviseur que ça nous fait là un cinoche original ! Allons, allons , Shangols. <br /> <br /> Sidney Furie, il nous faisait des plans jusqu'entre les pattes d'un scorpion ... Qui se souvient de Sidney Furie?<br /> <br /> <br /> <br /> Le gars Bourguignon, il ne dépasse pas le degré du gentillet-qui-se- prend-trop- au- sérieux. Et que je te fiche en permanence une ambiance de plomb, sinistre de chez Sinistrose. Ah oui, on a envie de les baffer, de les secouer, de les éjecter, ces deux-là. Un peu d'humour à l'italienne , ça ne nous aurait pas fait de mal ( je sais pas moi, une gamine qui aurait secoué le cocotier de cette baraque aryenne. Tout , plutôt que cette gnan gnan guimauve agaçante qui te donne qu'une envie : l'étrangler en riant !)<br /> <br /> <br /> <br /> Quant à l'amour pur... Hum, hum . Vu certains symboles gros (hou mais alors GROS) comme des camions, vu certains dialogues bien appuyés, vu certaines séquences romantico-freudo- neuneu (la môme qui se fait porter dans les bras du monsieur en le suppliant "continue! continue!"...je m'esclaffe.), je pense que notre homme n'a juste pas osé aller au-delà d'un certain seuil admis (même à l'époque) mais que ça le chatouillait un peu de vouloir être subversif... Seulement il n'a su que rester timoré, tout comme sa mise en scène. N'est pas Jean Vigo qui veut.
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S
Allons Mitch, ne mettez pas vos dernières forces à vous élever contre cette oeuvre provinciale de très bonne facture. Jamais parlé de chef-d'oeuvre juste d'une oeuvre qui vaut le détour ; Bourguignon n'est pas une tête pensante de la Nouvelle Vague, hein loin de là... Je vous accorde le coup de certains dialogues de la chtite (de 12 ans, vi) qui passent parfois difficilement - la direction des gamins, dans le cinéma français (tiens ça me fait penser que personne a parlé de Zéro de conduite dans les films sur l'enfance) a souvent été laborieuse. Sinon vous-même vous caricaturez : il y a unegentille jeune bonne soeur, aussi, for example. Mais l'un dans l'autre, je trouve que cette oeuvre a gardé une certaine originalité, d'autant que cette relation adulte-enfant (blague belge à part) d'amour pur ne pourrait même plus être abordée de nos jours...
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I
Bon, mais sans blaguer, z'êtes sérieux ? Sérieux-sérieux...? <br /> <br /> Vous le trouvez vraiment bien ce film sinistre aux gros sabots ? <br /> <br /> Ils sont à baffer, tous les deux !<br /> <br /> Et pis, je suis pas belge (rapport aux sous-entendus de la chronique ci-dessus) mais franchement.... Les symboooles ! Ho, les Symboooooles !!! Le couteau que ma môme caresse contre sa joue (elle a pas 15 ans, hé, elle en a que 12, hé, Shang!) ... Les ronds dans l'eau... Non, mais je pouffe, là !!! C'est même pas une idée. Donc certainement pas de génie. <br /> <br /> Et toutes ces caricatures ! Ivernel en artiste-et-néanmoins meilleur ami (blabla autour des oiseaux en cage, non mais, il a pas peur, le Bourguignon!) , les bonnes sœurs invariablement acariâtres (5 fois le coup de l'heure trop tard ou trop tôt, ça va, quoi.) , le coup de la girouette à peine téléphoné ("Tiens j'avais le vertige et, tiens, y'a plus!" Oh mais what a surprise !). Et comme il pense (?), le gars Bourguignon, qui pense (?) qu'on n'a peut-être pas compris, eh bien il te met le gars Kruger qui parle tout seul sur son clocher pour bien le clamer tout haut ! <br /> <br /> Quant à l'adagiodalbinoni, alors moi, sorry, mais il me fait hurler de rire, car chaque fois je pense à Guy Bedos et sa Daumier qui chantonnaient dessus "Un p'tit rosbiiiif-puréeee"... <br /> <br /> Et les dialogues, bon sang, les dialogues ! Théâtreux, minaudeux, préciositeux, gerbeux... Gerbant. <br /> <br /> Si c'est ça votre idée du chef d'œuvre, je comprends... TOUT . <br /> <br /> Mais, bon... Vous blaguiez, hein ? Pas possible autrement.
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