Des Monstres attaquent la Ville (Them !) (1954) de Gordon Douglas
Voilà un bon vieux titre qui n’aurait pas dépareillé dans une bonne vieille Dernière Séance spéciale S.F. Si le titre français peut faire un peu cheap, le titre original est beaucoup plus sobre et effrayant. La première demi-heure du film tient d’ailleurs toutes ses promesses dans l’angoisse : une petite fille errante dans le désert avec sa poupée au crâne brisé, des parents aux abonnés absents, une caravane qui a comme implosé de l’intérieur (le gaz ?), un magasin totalement éventré, un cadavre démantibulé… Les policiers enquêtent mais restent perplexes… Deux indices quand même : la chose semble s’intéresser au sucre et laisse dans ses victime une énorme quantité d’acide formique (acide formique, acide formique… rappelons-nous nos cours de biolo… alors serait-ce une fourmi géante ou bien de très gros orties… Les orties n’aimant pas le sucre, je dirais…)
Dans ce genre de production des fifties (loin d’être fauchée, attention), on a toujours peur (du ridicule) lors de l’apparition des bêtes : oh regarde un char pour le Carnaval de Rio en forme de fourmi en plein désert… Mais oh mon Dieu, nan, c’est une vraie fourmi, personne ne danse dessus ! Ne soyons pas trop caustique, la grosse bébête de 12 mètre avec ses mandibules n’est pas totalement ratée. Son cri (le fameux cri de la fourmi) est quant à lui un peu limite - s’il y a bien un insecte silencieux, hein, c’est la fourmi. Mais revenons à notre film : le FBI, les flics, un vieux biologiste et sa fille (pour l’incontournable histoire d’amour… ben nan, même po, elle titille tout juste les mâles qui restent ultra concentrés sur l’extermination des insectes : pas le temps pour la bagatelle, il s’agit bien là de sauver le monde) vont se faire un devoir de régler le problème le plus finement possible. Il faut bien sûr imposer son point de vue par rapport aux bourrins de l’Armée dont la stratégie dans ses cas-là est toujours pointue : moi, je lâcherai bien une bombe, on lâche une bombe, dites, s’il vous plaît ? C’est d’ailleurs bien là que réside le fond du film : Gordon Douglas, bien avant Antonioni, réalise le film sur l’ère atomique… Regardez ce que nous avons créé (et quand tu vois la taille des fourmis, t’imagines même pas s’il y avait un tapir ou un chacal qui traînait dans le désert…) : dans quel monde allons-nous vivre si nous continuons de déconner avec l’atome ?
Grosse réflexion pour une série B de bonne tenue grâce notamment à ses décors (le final dans les égouts de Los Angeles, lieu cinématographique incontournable, marque des points) et à des acteurs qui ne se sentent pas trop obligés d’en faire des tonnes devant le côté incroyable du bazar (j’aime bien quand même quand le flic trouve un fusil au canon tout tordu : on sent toute la haine du gars qui se demande comment un individu a-t-il pu autant violenter une arme… pas humain, surement). L’autre aspect assez sympa, c’est que les témoins des grosses fourmis sont soit enfermés dans un asile, soit des alcooliques notoires : une façon de nous dire que demain, avec cette putain de bombe, les vrais fous ne seront plus à chercher dans les hôpitaux, hum, hum, suivez-mon regard... Le chef-d’œuvre de Douglas ? Possible, même si cela reste tout relatif, hein.