Après nous le Déluge (Today we live) (1933) de Howard Hawks

Film de guerre romantique et mélodramatique : Hawks sort l'artillerie lourde même si, quoiqu'on puisse en dire, dans un film de Hawks, tout le monde a la classe... C'est dû, bah, je sais pas, à une façon de filmer, au jeu des acteurs, à la simplicité et la franchise des dialogues ?... Faut dire qu'au niveau casting on a du très lourd : Joan Crawford, à tomber, Gary Cooper, beau comme un Dieu, Robert Young - dans le rôle du "ptit ami" de la Joan - et Franchot Tone - le frère de la Joan -, l'un comme l'autre toujours justes et très complémentaires. Une histoire simple comme bonjour : Crawford est au centre d'un trio "amical" borzagien avec son frère et son ptit ami d'enfance, dirons-nous (une grande complicité unit les trois) et puis vlan, elle rencontre Gary, ricain débarquant à Londres qui ne va pas tarder à s'engager dans cette WWI... Coup de foudre mutuel (belle petite scène à bicyclette même si on sent que celles-ci sont attachées à une remorque... Ah ben oui) sans même avoir besoin d'en dire mot. Joan n'est pas du genre à faire les intrigantes ni à jouer sur les deux tableaux... Bel état d'esprit, hein. D'ailleurs tout le monde est également toujours gentleman dans cette histoire : le frère qui est toujours de bon conseil auprès d'une soeur qu'il vénère et un Gary et un Robert qui jouent un peu au plus couillu (l'un aux commandes de son avion, l'autre dans son bateau - c'est d'ailleurs surtout Gary qui provoque un poil) mais qui finissent par s'estimer ; pas de bagarre idiote pour la dame, on n'est pas dans un film de beaufs mais chez Hawks. Joan veut donc couper court à sa liaison avec Young, seulement voilà elle reçoit la nouvelle de la mort de Cooper... C'est le drame... Mais Cooper n'est pas mort... C'est re le drame parce qu'elle s'est engagée plus en avant avec Young... Puis ce dernier est victime d'un accident... Le coeur de Joan est tout près de lâcher... Foutu destin. Seulement les dieux ne vont pas avoir le dernier mot sur ses amours, les hommes prenant eux-mêmes leur destin en main pour clarifier les choses une bonne fois pour toutes... Nom de Zeus.

Une sincérité toujours à l'honneur dans les discussions en tête-à-tête, beaucoup de regards qui en disent long entre des personnes tellement proches qu'elles se comprennent sans avoir souvent le besoin de mettre des mots sur leurs pensées ou leurs sentiments, un fair-play de mise entre des alliés qui combattent le même ennemi et qui aiment toutes la même personne, bref une situation suffisamment mélodramatique - historiquement et intimement - sans qu'il y ait besoin d'en rajouter au niveau des "conflits d'intérêt sentimentaux". Des personnages, dessinés par Faulkner, avec des "lignes claires" qui s'ébattent le plus souvent dans des décors brumeux, pluvieux, sombres ; des personnages qui ne tergiversent pas, prêts à faire des sacrifices pour leur patrie ou au nom de ceux qu'ils aiment. C'est comme ça. Ca manque peut-être un peu de tension - Hawks, à l'heure de jeu, filme longuement les trois militaires dans leur "milieu" (impressionnant chassé-croisé d'avions et palpitante navigation sous les bombes) pour mettre un peu d'action au sein de son film. Mais entre les quatre personnages, on assistera plus à des déclarations d'amour qu'à la manifestation d'une quelconque animosité (Cooper, disais-je, prend un peu "de haut" les deux Anglais, mais il va vite revenir sur terre après les avoir accompagnés lors d'une mission). Un "beau film" comme dirait ma grand-mère avec deux acteurs au top de leur glamour mais qui manque sans doute un peu de nerfs pour être vraiment captivant et faire partie des grands Hawks...