Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
2 mars 2012

Le Havre (2011) d'Aki Kaurismäki

vlcsnap-2002-03-02-20h11m34s156

Aki Kaurismäki se rend dans cette bien belle ville du Havre (son port, ses rades, ses marins, Venise est enfoncée grave) et livre un joli conte qui fleure bon les bons sentiments. Comme Claude Guéant et Henri Guaino, Aki aime les petites gens et les sans papiers ; son film se fait la chronique d'un bon vieux cireur de pompe (Wilms, la voix plus blanche, tu déteins - il est Marcel, vingt ans après La Vie de Bohème) qui va venir en aide à un gamin noir qui s'est échappé d'un container. Il se fait un devoir de le prendre sous son aile et de le cacher malgré les très méchants délateurs (Jean-Pierre Léaud, ultime) et alors qu'un curieux flic (Darroussin, magnifiquement dans le ton) veille - ami ou ennemi ? Hum, hum... Dans le monde selon Kaurismaki, les petits commerçants prennent la défense de la veuve et de l'orphelin (c'est beau), les flics savent qu'on les aime pas et c'est trop dommage pasque parfois ils ont aussi un petit cœur et les bonnes actions peuvent aussi finir par payer (Si...). Cela peut paraître un peu caricatural, dit comme cela, mais la philosophie du gars Mika ne cherche pas non plus à aller ici beaucoup plus haut...

vlcsnap-2002-03-02-20h12m30s241

C'est bien attendrissant tout ça tout ça, mais sinon ? Sinon, on retrouve avec bonheur quelques bonnes petites répliques d'humour à froid (Wilms, voulant se faire passer pour le frère d'un black, qui raconte qu'il est l'albinos de la famille... fatal), une mise en scène d'une immense sobriété (des cadres fixes, des personnages eux-même souvent figés, une diction quasi-rohmérienne... à tel point qu'on aurait presque l'impression d'être dans une sorte de "BD cinématographique") et des acteurs tout en "faciès" (Pour le meilleur - Darroussin, impeccable disais-je - mais aussi parfois pour le pire : certains "extra" (ce petit épicier ou certains piliers de comptoirs) - jouent aussi faux que moi du tuba). La moyenne d'âge du casting doit flirter autour des 78 ans (ah non, il y a le chtit black, cela fait baisser la moyenne, disons 76... Darroussin qui flirte avec la soixantaine fait tranquillou figure de jeune premier...) et c'est vrai qu'on sent un certain plaisir, pour ne pas dire une sorte de complaisance, chez Kaurismaki à donner à son film un petit côté terriblement vieillot et désuet (de la musique au décor). C'est certes dans les vieux pots que l'on fait les meilleurs soupes - et que l'on trouve les meilleurs sentiments ? - mais c'est aussi ce qui donne parfois à cette œuvre kaurismakienne un petit côté gnan-gnan et guimauve. Aidons-nous les uns les autres dans cette société qui a sûrement perdu le sens de ses valeurs - méchants CRS prêts à tirer sur un môme et violents flics qui cassent tout chez vous lors d'une perquisition : c'est mal (difficile de ne pas être d'accord) - et restons optimiste, même quand on survit avec les moyens du bord (Wilms qui se nourrit au quotidien d'une baguette, d'un chtit bout de fromage et de verres de vin blanc) : c'est bien mignon, mais on préfère autant quand l'Aki est un peu plus acide ou caustique sur ses frères humains...

vlcsnap-2002-03-02-20h12m52s193

Commentaires
S
Assez d'accord avec le commentaire précédent. Pour ma part, ça fait longtemps que je n'avais pas entendu une si belle langue dans un film, magnifiquement prononcée, précise et se contentant du nécessaire.<br /> <br /> <br /> <br /> Je suis pas trop d'accord pour les bons sentiments. Je trouve justement que Le Havre fait dans l'anti-guimauve même, d'une part parce que les acteurs choisis, vieux et pour la plupart moches, seraient je crois trop en décalage avec une étiquette de "héros sauveur au grand coeur" ; et d'autre part, parce que ces dialogues monocordes et les décors à se flinguer donnent justement un côté assez froid au film, lui faisant prendre une certaine distance avec un sentimentalisme larmoyant trop appuyé. Après ok, les commerçants français agiraient sans doute pas tous comme ça dans la vraie vie, on est d'accord, et les flics sont méchants (sauf Daroussin quand même).<br /> <br /> <br /> <br /> Moi au final je trouve ça courageux de s'attaquer à un sujet comme ça, et de prendre ce risque, parce que c'est vraiment un sujet casse-gueule, bruyant, sur lequel il y a eu une infinité de débats, de discours bien-pensants et toutes sortes d'enjeux politiques. Je trouve que c'est la grande force du film, d'échapper au discursif en prenant le parti de l'absurde, en renvoyant simplement au pur grotesque de ce genre de situations.<br /> <br /> <br /> <br /> Après, je trouve pas la "morale" du film gnan-gnante ("aide ton prochain et cela te sera rendu, karma power"), juste optimiste. Etant moi-même une grande pessimiste je trouve nénamoins que ce genre de prise de position est trop rare pour ne pas être souligné. "Ca a le mérite d'exister", j'ai envie de dire.
Répondre
S
Vous avez raison dans le fond. Ce que j'adore c'est la fine lamelle de champignon sur la dite-omelette... kaurismakienne.
Répondre
M
Oui, tout ce que vous dites mais je n'ai pas les mêmes regrets, sinon une sorte de jubilation de cette "ligne claire", parole étant donnée aux petits et sans grades, tout aussi respectables que les plus nantis mais qu'on n'entend ni ne voit nulle part jamais dans l'espace public - et encore moins au cinéma, ou si mais avec la culpabillité condescendante et autre perversion bourgeoise... Salutaire à ce titre, donc. Il mange souvent (aussi) "une omelette avec un oeuf"....<br /> <br /> Très étrange phrasé (lent, très ar-ti-cu-lé), décor quasi théâtral et néanmoins fort simple et séduisant, à hauteur d'homme, on a envie d'aller s'y cacher.
Répondre
Derniers commentaires