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19 avril 2011

Pépé le Moko de Julien Duvivier - 1937

vlcsnap_2011_04_18_23h09m55s233On fait dans le Grand Cinéma Français Labellisé avec mon camarade aujourd’hui, mais il semble qu’il ait eu plus de chance avec La Beauté du Diable que moi avec Pépé le Moko. J’avais un bon souvenir de cette chose, pourtant ; eh ben non, c’est vraiment mauvais, l’archétype du cinéma fabriqué, insincère et artificiel de ces années-là. Le visage de Gabin en gros plan sur lumière rasante qui cabotine en balançant des répliques de Jeanson, vous avouerez que c’est pas tout à fait la définition de la félicité suprême : eh bien c’est ça durant 90 minutes interminables, pendant lesquelles Duvivier lâche la bride à tout le monde, acteurs, techniciens, auteur, pour nous livrer un divertissement fade et dépassé. La pléthore de « gueules » célèbres dans les seconds rôles n’arrange rien : au mieux, c’est Fréhel, seule apparition marante (elle est visiblement complètement bourrée quand elle entonne une de ses chansons réalistes terribles (« Où sont Panâaââââme et ses poulbooots, partis dans la rûûe d’Ménilmûûûûche », genre)) ; au pire, ce sont les habituels Charpin, Dalio ou Saturnin Fabre, rompus à ce genre d’exercice, et qui balancent les répliques mécaniquement, trop pleins de leur savoir-faire pour tenter la moindre chose.

 

vlcsnap_2011_04_18_22h26m58s58Quant à Gabin, eh bien c’est bête à dire, mais il est ici très mauvais, et je dis ça alors que j’aime souvent bien le gars dans cette période : caricaturant l’accent parigo à outrance, servant un personnage antipathique, mal à l’aise dans ses moments de gaieté (l’affreuse chanson qu’on lui fait beugler) aussi bien que dans le glamour, il saccage carrément son personnage, qui de toute façon n’était pas très intéressant. Pépé est un voyou à l’ancienne, qui s’est réfugié dans la casbah d’Alger pour échapper aux flics, et qui tombe les filles comme des mouches en imposant sa loi ; bien sûr, comme c’est Gabin qui joue, il a finalement un grand cœur, est fidèle en amitié et malin comme un singe (sauf quand il a bu ou quand il est réellement amoureux), voilà, on a fait le tour du personnage. Plus réussies sont ses relations avec l’inspecteur du coin, en ce qu’elles montrent de collusion entre la police et la pègre, et dans le duel un peu subtil qui s’établit entre les deux camps, qui se respectent et se jaugent dans le calme. Plus intéressante également, sa partenaire féminine : je ne parle pas de la bourgeoise de laquelle il s’éprend, jouée par une Mireille Balin au visage étrangement inexpressif et figé, mais de la copine algérienne, interprétée par Line Noro (17cm de fond de teint pour nous faire croire à son côté autochtone), dont le jeu ambigu et l’expression photogénique apportent un peu d’épaisseur à cette galerie de personnage monolithiques (le voyou crétin, le papy roublard, les indics veules, etc.)

 

vlcsnap_2011_04_18_21h42m49s193Et puis, disons-le, Duvivier est un très piètre metteur en scène, et si on peut s’en foutre dans ses films les plus réussis, ça saute aux yeux dans ses ratages complets, et donc ici : monté au petit bonheur, Pépé le Moko semble considérer le gros plan romantique de studio comme unique possibilité technique. Ces gros plans superficiels font 90% du film, le reste étant constitué au mieux de travellings très maladroits (la fuite de Gabin dans les rues du souk, qui brouille complètement l’espace par sa succession de faux raccords), au pire de plans absolument bâclés (toutes les scènes de discussions de groupe). Quelques tentatives, certes, semblent émerger, notamment dans la belle scène tendue de l’assassinat de l’indic (ombres inquiétantes, lenteur du jeu) ou dans le final (toutefois pas aussi ravageur qu’il aurait pu l’être), mais l’ensemble apparaît complètement relâché et le metteur en scène semble être une option qui n’a pas été gardée par les producteurs. Bref, c’est du savoir-faire routinier qui ne se donne plus la peine de rien, du cinéma de roublard parvenu, et c’est inregardable aujourd’hui. Sans intérêt.

Commentaires
M
Ouep. Bien relou le Julien. Y a bien une ou deux bonnes choses à sortir de son bourbier, de La fin du jour à La belle équipe en passant par Poil de carotte '32 (tiens, c'est vrai, rudement chouette çui-là) mais le reste fait franchement pas bander(a). Ça schlingue le cinoche à papa, le camphre à armoire et les pouces jaunis. On causait de Melville le sénile et Clément le barbant, t'à l'heure... qu'y nous font rire à se faire péter la sous-ventrière... eh ben on peut ajouter Pépé la moque à ce sinistre palmarès. <br /> <br /> Pas une scène, pas une réplique de Jeanson ne passent sans qu'on se tienne les côtes. Un pur bonheur.
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W
Alors "Remorques" est un film "faible" de Grémillon, ce qui le rend moins insupportable qu'un Duvivier... "Pépé le moko" est une fumisterie, évidemment, la seule ambiguïté étant apportée par l'inspecteur Slimane, le film est l'imagerie même du film colonial, ce que n'était pas, par exemple "La bandera" - le sujet s'y prêtait encore mieux pourtant. Autres Duvivier à déboulonner de leurs piédestals: "Un carnet de bal", "Golgotha". Un diamant noir à célébrer: "La fin du jour".
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P
Ouch, c'est rien de le dire (plus de précisions au bout de ce lien : http://princecranoir.mabulle.com/index.php/2010/11/06/199712-la-sequence-de-l-expectateur-n45 ). D'ailleurs, Prévert lui-même n'était pas tendre avec Grémillon quand le film est sorti.
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G
D. > Je n'ai pas vu Casbah, c'est une horreur ? Quant au côté "cliché" qui donne son charme au film, je ne comprends pas... Vous voulez dire que c'est le côté Paname-perdu-en-Algérie ? Pour moi, tous les personnages sont des archétypes sans imagination, je ne comprends pas votre commentaire.<br /> Princécranoir > "La Belle équipe" et "Panique" sont effectivement de très bons souvenirs pour moi aussi... mais comme l'était "Pépé le Moko". Je vous promets que revoir ça aujourd'hui, c'est terrible. Du coup, j'hésite à revoir les autres Duvivier. Ca me fait le même effet qu'avec Carné, l'impression d'un cinéma antique, qui n'a pas survécu au temps, qui n'est aujourd'hui là que pour véhiculer des vieux clichés ou servir d'étendard patrimonial (Carné est mieux, je vous l'accorde). Beurk, dirais-je, pour être expéditif. "Remorques" faisait partie aussi des films que j'avais envie de revoir. C'est si mauvais que ça ?
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P
Critique sévère et, pour tout dire, un peu rude pour ce Duvivier que j'ai vu il y a très (trrèès) longtemps. Il se trouve que le Julien a un retour de grâce ces derniers temps et que certains cinéastes le citent volontiers comme un des plus marquants de l'histoire du cinéma français. Sans aller jusque là, on peu tout de même louer les qualités de "la belle équipe" (un film qui m'a toujours beaucoup ému) ou de "Panique". D'un autre côté je comprends cet agacement devant un cinéma baigné dans la naphtaline, moi qui, dernièrement, me suis foncièrement ennuyé deavant "Dédée d'Anvers" ou l'insupportable "chef d'oeuvre" de Grémillon "Remorque".
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