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21 juin 2010

Allemagne 90 neuf zéro de Jean-Luc Godard - 1991

vlcsnap_2010_06_21_21h23m21s48J'ai cherché ce film pendant longtemps, et me voilà pas déçu du voyage : Allemagne 90 neuf zéro vous laisse exsangue, totalement déprimé, c'est sans doute l'un des films les plus morbides et les plus froids de JLG. Si bien qu'on finit par éprouver une certaine répulsion à suivre cette errance grisâtre, qui ne comporte que peu de ces moments fulgurants de beauté que Godard a su semer dans ses essais depuis les années 85. Il est vrai que, quand ces moments de pure poésie arrivent, ils le font avec d'autant plus de force qu'ils sont insérés dans cette tristesse profonde ; mais quand même : j'ai tendance à préférer, sur le même sujet (la mort d'un pays, d'une civilisation, d'une certaine idée de la beauté), le film qui suivra bientôt : Les Enfants jouent à la Russie.

Godard ressort de la tombe (c'est quasiment le cas) le personnage de Lemmy Caution, incarné par le même Eddy Constantine que dans Alphaville. Dans le rôle d'un espion privé de taff, il l'envoie sillonner l'Allemagne nouvellement réunifiée à la recherche d'un Occident qu'il espère plus beau. La promenade n'est pas très gaie, c'est le moins qu'on puisse dire : paysages désolés, banlieues industrielles laisées à l'état de friches, rues pluvieuses de petites villes, bois trempés, machines vlcsnap_2010_06_21_21h55m27s95laissées à l'abandon, la vision de l'Est, sûrement pas très loin de la vérité, est atterante de désolation. Comme dans Film Socialisme, le personnage, en traversant un territoire, traverse aussi une histoire de la culture du pays, en rencontrant des personnages symoles d'un état du monde : cinéma, musique, peinture, littérature, tout se heurte, se rentre dedans, s'inter-pénètre en un puzzle typiquement godardien qui force le respect par sa complexité. On reconnaît ça et là des images de Fritz Lang, des citations de Murnau, la 5ème de Beethoven (magnifiquement hâchée pour dialoguer avec les voix off), Don Quichotte, Mozart, des bribes de textes de Goethe, et 48000 autres références qui forment un écheveau de sens, de non-sens, parfois étrangement poétique, parfois complètement abscons. C'est du Godard en plein. Comme à son habitude, il traite surtout de la mort du cinéma, à travers ce discours, qui ne le quittera plus, sur la suprématie des images réelles (images terrifiantes des camps) sur les images fictionnelles. Le postulat, déjà croisé dans ses films précédents, qui dit que le cinéma est mort à Auschwitz prend ici tout son sens, puisque c'est l'Allemagne qu'il filme.

vlcsnap_2010_06_21_20h56m23s251Caution recherche donc l'Occident, la "civilisation", et quand il la trouve en fin de film, c'est pour tomber sur une société de consommation complètement vendue au profit et à l'inutilité. Constat d'une accablante tristesse, que Godard traite avec une amertume pour le coup trop volontaire : ses occurences sentimentales (une fleur en gros plan, un bout de lac) apparaissent presque comme des clichés, un comble au milieu de l'intelligence du propos. On préfère quand JLG insère des éclats de beauté derrière la plus triviale des images, quand il mèle les notes de Beethoven au klaxons des voitures, quand il place une citation de Murnau (le splendide intertitre de Nosferatu : "Quand il traversa la frontière, les fantômes l'attendaient sur la rive" (de mémoire)) sur un paysage austère. Mais quand il se pique de donner une leçon à l'Occident, il le fait de manière trop simpliste. La dernière réplique est frontale : Caution, parvenu dans un hôtel luxueux de l'ouest, contemple la Bible qu'il a trouvée dans le tiroir de sa chambre en murmurant : "Ah, les salauds !". Un requiem terrassant, totalement privé d'espoir, qui fait mal à regarder. Mais qui comporte de sacrées bribes de beauté. Juste un poil too much.

God-Art, le culte : clique

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