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1 mai 2010

Les Sorcières (Le Streghe) (1967) de Visconti, Pasolini, De Sica, Rossi, Bolognini

Cinq films en l'honneur de la Mangano qui se plaît à jouer la star, la femme objet ou l'épouse déçue. Si Visconti, Pasolini et De Sica se taillent la part du lion avec environ trente minutes pour chacun de leurs épisodes, Rossi et Bolognini en sont réduits au film-sketch de cinq minutes qui repose sur une seule idée mignonette : Sens civique met en scène une bourgeoise qui se charge de transporter un blessé de la route uniquement pour pouvoir traverser la ville à toute blinde et se rendre, pour une fois, à l'heure à un rendez-vous amoureux. Alberto Sordi en fait des tonnes dans le rôle du malade et s'écroule pour conclure cet intermède. La Sicilienne de Rossi est tout aussi bref : une jeune femme se plaint du comportement d'un homme provoquant la colère de son père; il se venge et provoque une demi-douzaine de revanches et autant de cadavres, la Mangano finissant le sketch en pleureuse éperdue. On est dans le cliché un peu lourdingue, mais l'ensemble est tellement rapidement emballé qu'il nous permet tout juste d'esquisser un petit sourire pour la peine.

LeStreghe1

La Sorcière brûlée vive de Visconti ouvre la série et constitue sans doute l'épisode le plus amer : la star Mangano débarque soudainement chez son amie Girardot lors d'une soirée entre bourgeois tristes comme la pluie. La Mangano se donne quelque peu en spectacle (très joli petite mélodie qui reste en tête) avant d'enquiller les malaises : est-ce parce qu'elle doit subir au cours de la soirée les réflexions d'un industriel qui la compare à ses propres produits commercialisés ou les assauts lourdingues d'hommes à la recherche d'aventures ? En fait, elle est  enceinte, souffrant d'un vague à l'âme terrible, et ces invités d'un soir prennent comme un malin plaisir à la "mettre à nu" (la dépouillant de sa coiffe ou de ses faux cils quand la star est inconsciente). Un terrible sentiment de froideur, voire de malaise, se dégage de l'ensemble, et malgré un final grandiloquent avec multitude de photographes squattant la baraque et échappée en hélicoptère de la star au bras de son mari, on sent à quel point Visconti dresse un portrait bien pâle "au fond" de cette star, stressée et en pleine détresse, qui ne brille qu'en apparence devant ce monde qui l'étouffe à petit feu...

locandina

Dans La Terre vue de la Lune, Pasolini joue à fond la carte de la farce ultra caustique avec son fidèle Totò plus exubérant que jamais : ce dernier, les cheveux roux en pétard façon clownesque, accompagné de son fils, Ninetto Davoli qui se tape un brushing orange ridiculissime, vient de perdre sa femme. Il se met donc en quête d'une autre, et après plusieurs désillusions (une veuve éplorée, une pute, un mannequin (de cire)), il tombe sur la femme "parfaite" : une Mangano, le cheveu grisonnant, sourde et muette. Il ne tarde pas à convaincre cette dernière de le suivre et lui présente sa baraque pourrie que la Mangano-Mary Poppins lui transforme en un tour de main. Seulement, ils ne tardent point à lorgner sur une baraque voisine qui a meilleure allure, et le Totò de mettre en scène le suicide feint - au Colisée ! - d'une Mangano désespérée pour organiser une gigantesque quête. Pas de bol, la Mangano glisse sur une peau de banane lancée par un touriste anglais (PPP en pleine bourre...) et se fracasse la tronche quelques mètres plus bas. Mais le spectre de la Mangano réapparait au logis juste après devant le père et le fils effrayés. Le Totò prend son courage à deux mains, demande à celle-ci si elle peut encore faire à manger, assurer le ménage et coucher avec lui, et comme elle acquiesce, tout est bien qui finit bien... Pasolini conclue cette farce par ces quelques mots laconiques : "être mort ou être vivant, c'est la même chose". Malgré le ton éminemment burlesque de l'épisode, on reconnaît bien le style acerbe de PPP avec ce portrait d'une mama au foyer finalement interchangeable. Un rire grinçant, c'est ça.

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Enfin De Sica, dans Une Soirée comme les autres, n'hésite point à mettre en scène un pimpant Clint Eastwood dans une comédie conjugale. Si le sketch utilise d'énormes ficelles - la Mangano reproche à son mari après dix ans de mariage son manque d'allant (finie l'époque (a-t-elle jamais vraiment existé...?) où celui-ci sautait tout nu (séquence culte pour tout fan du Clint !) sur le lit pour rejoindre sa douce) et fantasme sur une nuée d'hommes attirée par son charme (La Chatte des Montagne avec la Sylvana dans le rôle d'Alexis) -, il est assez drôle de voir le Clint se prêter aussi docilement à ce petit jeu comique. On le retrouve tout de même, fidèle... à lui-même,  l'arme au poing pour descendre les prétendants de sa femme dans une séquence fantasmagorique où De Sica ne lésine point dans la démesure - des dizaines de figurants mâles aux trousses de la Mangano qui se donne en spectacle dans un stade bourré. Ce n'est pas d'une originalité folle sur le fond, mais De Sica parvient malgré tout à force de grossir les traits à nous rendre ce petit drame domestique assez rigolo. Cela permet de finir cette drôle de production (les films à sketches dans les années soixante en Italie (ou en France): tout un programme souvent plus excitant sur le papier que lors de la vision...) sur une petite note légère, en se disant que l'ensemble valait tout de même le détour.         

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