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28 mars 2010

Les Joueurs d'Echecs (Shatranj ke khilari) (1977) de Satyajit Ray

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Comme dans Le Salon de Musique, on assiste une nouvelle fois à la fin d'un monde (la Compagnie des Indes montrant le désir d'annexer ce territoire musulman jusque là indépendant), un monde où le roi, poète et amateur de musique à ses heures, semble avoir négligé ses fonctions politiques, un monde où, parallèlement, deux seigneurs se passionnent pour les échecs, totalement indifférents aussi bien à leurs femmes qu'à la page d'Histoire qui se joue autour d'eux. Ultimes feux artistiques (les poèmes récités par le roi, une séquence de danse hypnothique exécutée par une danseuse sublime, le plaisir intellectuel pris par les deux seigneurs...) promis à s'éteindre à cause de l'évidente indolence de ces pachas et du pragmatisme terrible des Anglais : Richard Attenborough incarne avec un flegme forcément tout britannique ce général qui va prendre possession de ce territoire auquel il pipe que dalle, le Roi rendant les armes en "se couchant" sans même chercher à combattre - belle et néanmoins terrible séquence où le roi remet sa couronne devant un Attenborough incapable de réagir devant ce geste...

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Le film, reconnaissons-le, est mené sur un rythme relativement lent, à l'image de ce monde qui sombre mollement dans une certaine inertie. Nos deux seigneurs sont particulièrement bavards, frôlent parfois une certaine drôlerie devant cette obsession qui leur bouffe tout leur temps, et finissent par paraître quelque peu pathétiques devant leur manque total de réaction vis-à-vis de leur entourage. La femme de l'un le trompe sous ses propres yeux sans qu'il tilte une seconde, la femme de l'autre (Shabana Azmi d'une beauté... indienne) tente bien de séduire son homme - séquence éminemment sensuelle malgré une incontournable pudeur) -, va jusqu'à lui voler les pièces de son jeu mais sans succès. Elle semble bien l'une des seules personnes à prendre conscience du drame qui se joue, laisant couler ses larmes sur ce monde voué à disparaître. A défaut peut-être de happer le spectateur par l'intrigue, Ray sait distiller quelques fines pointes d'ironie ici ou là pour titiller notre attention : l'animation quasi-gilliamesque pour nous présenter le contexte historique, la scène vaudevillesque avec l'amant à moitié sous le lit, le jusqu'auboutisme des deux hommes pour trouver un jeu ou un terrain de jeu - la visite à l'homme mourant : leur indifférence face au sort du vieillard est forcément métaphorique, tout comme d'ailleurs cette recherche d'une mosquée qui finalement n'existe pas -, ou encore ce duel final qui tourne au ridicule - les deux hommes, à deux doigts de s'entretuer, alors que l'armée britannique prend en douceur leur terre. Un Ray jouissant de quelques rayons esthétiquement saisissants - chaque apparition de Shabana Azmi aiguise bizarrement notre attention, ce roi "rouge" qui abdique, aux couleurs d'un soleil couchant - où chaque scène mûrement réfléchie, à l'image des coups joués sur l'échiquier, est comme un écho à ce monde destiné à être "maté".       

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