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28 février 2010

Le Bal des Maudits (The young Lions) (1958) d'Edward Dmytryk

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Excellente surprise que ce Young Lions signé d'Edward Dmytryk qui, en dehors d'avoir un nom qui déchire sa mère au Scrabble, livre un film d'une tenue irréprochable (du jeu des acteurs - Marlon Brando, Montgomery Clift, Dean Martin, excusez du peu - à la finesse incroyable d'un scénar anti-manichéen) tout du long - et 2h40 c'est long : ben là nan, justement. Ne connaissant absolument rien sur ce film avant de m'y plonger, je fus d'autant surpris par la qualité incroyable de la plupart des séquences et par la profondeur psychologique de chacun des personnages principaux que Dmytryk se donne tout le temps de développer. La première heure se donne le luxe de se concentrer exclusivement sur ces trois individus, n'évoquant les événements ou les combats de la Seconde Guerre Mondiale qu'en toile de fond : Marlon Brando campe un lieutenant allemand blondinet pacifique (il se fait plaisir au niveau de l'accent, c'est clair) entrainé malgré lui dans cette guerre qu'il n'a pas vue venir et gardant tout du long une densité humaine impressionnante : sans jamais trahir son camp, il parvient à rester fidèle à lui-même jusqu'au bout, se refusant toujours d'obéir aux ordres qu'il trouve inhumains. Côté américain, Dean Martin incarne un homme du spectacle qui se refuse de tomber dans tout élan patriotique et de s'engager dans les combats sur le front, au risque de perdre bêtement sa vie. Pour les beaux yeux d'une femme - en partie - et faisant finalement le bravache, il finira par rejoindre les combattants sans jamais vraiment renier son manque de bravoure initial. Il se retrouvera sur le terrain aux côtés d'un Montgomery - méconnaissable tant il est tout penaud - avec lequel il a fait auparavant ses classes, Montgomery, qui interprète un juif newyorkais, victime de l'ostracisme des siens. Trois individus totalement à contre courant des stéréotypes des films de propagande, et on se dit que même, en 1958, il fallait être assez couillu pour oser.

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Difficile de narrer en quelques lignes l'intrigue, tentons simplement d'évoquer les multiples personnages féminins qui se retrouvent au coeur du récit et interagissent avec nos trois héros. Dès la première séquence, Marlon Brando se glisse à la perfection dans le rôle de cet Allemand charmeur, tombant au cours du récit, une Américaine, une Française puis la femme allemande de son capitaine. Trois amourettes qui donnent toutes lieu à de magnifiques séquences dignes d'Un Sirk ou d'un Borzage : il séduit donc d'abord une Américaine (que l'on retrouvera plus tard aux lions_0449côté de Dean Martin) lors de la séquence d'ouverture située à l'aube de l'année 1939, en Allemagne; si cette dernière se fait très pessimiste sur la direction que prend l'Allemagne nazie, Brando en toute bonne foi et avec une naïveté évidente ne semble pas trop se soucier de l'avenir de son pays, pensant que les extrémistes feront long feu; lorsqu'il rejoindra plus tard les rangs de l'armée, son regard se décillera progressivement, son humanisme serein volant peu à peu en éclats. Superbe séquence à Paris où une petite Française à la table d'un café lui dira courageusement tout le mal qu'elle pense de ces gradés germaniques, avant que le Marlon, fortement ébranlé, parvienne à récupérer le coup. Il se laissera également séduire par la femme de son chef (May Britt, aïe aïe aïe!) alors qu'il est en permission, lors d'une scène d'une sensualité absolument prodigieuse - je ne m'en suis toujours po remis; la seconde visite qu'il lui rendra se passera beaucoup moins bien, la donzelle provoquant en lui un dégoût terrible : cette explosion de violence d'un Marlon à bout parvient, à la perfection, à traduire sa prise de conscience de l'effondrement moral de son pays; son ultime visite dans un camp de concentration à la fin de la guerre signera l'arrêt de mort de toutes ses illusions, de son idéalisme forcené, la "chute" finale résumant à elle seule tout son parcours d'humaniste tombé de très haut...

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Dean Martin, type hâbleur à souhait, ne cache pas, dès le départ, à sa compagne sa peur de perdre la vie au combat. Luttant constamment contre sa mauvaise conscience, il s'engagera finalement pour le front sur un coup de dé, non point tant finalement pour séduire cette femme que pour reconquérir sa propre dignité. Il fallait une certaine dose de courage chez le Dean pour accepter ce rôle qui casse l'image de l'Américain patriote avant toute chose, donnant une épaisseur tout aussi remarquable à son rôle. Montgomery, loin de l'image du jeune premier séducteur, joue un petit mecqueton qui s'éprend d'une femme blonde de bonne famille - famille auprès de laquelle il parvient à se faire accepter malgré sa pauvreté et ses origines - mais se fera laminer par ses propres compagnons d'arme lors de l'entraînement militaire : véritable bouc émissaire de la troupe, il doit subir au quotidien les pires vacheries de ses camarades et de ses supérieurs, prouvant que la connerie et la discrimination ne sont définitivement pas quelque chose d'unilatéral... Sans jamais se plaindre et boosté par l'amour de sa femme, il affrontera dignement et vaillamment ces coups bas et prouvera ensuite sur le terrain toute sa valeur et son courage, ridiculisant - sans jamais chercher pour autant à savourer sa revanche - les rouleurs de mécanique.

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Trois portraits croisés dont le destin finit par se rejoindre seulement sur la toute fin, l'ultime partie dans un camp de concentration libéré (séquence casse-gueule par excellence) étant là aussi d'une sobriété et d'une dignité absolue - au diapason de cette oeuvre maîtrisée de A à Z. Etonnant que ce film "de genre" - même s'il sait sortir justement avec finesse des sentiers battus (quelques séquences d'action pure mais qui sont toutes lourdes de sens dans le récit) - ne fasse pas plus figure d'oeuvre de référence - je suis vraiment tombé dessus par le plus grand des hasards. De jeunes lions (produits par... la Fox) à découvrir d'urgence pour rugir de plaisir cinématographique.                         

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