Plus Fort que le Diable (Beat the Devil) de John Huston - 1953
Un Huston boudé par la critique et le public, ce qui prouve que parfois la critique et le public sont sensés... On ne sait pas trop ce que le John a voulu réaliser avec Beat the Devil : à cheval entre film noir, comédie et polar, il valse sans cesse entre tous les styles sans en trouver aucun, livrant au bout du compte un film étrangement mort malgré le générique impressionnant. La fine fleur des acteurs mythiques (Boggart, Lolobrigida, Jennifer Jones, Peter Lorre), Capote à l'écriture, un noir et blanc purement hollywoodien réhaussé par les décors italiens, et Huston donc à la caméra, on pouvait espérer du lourd. Mais dès les premières minutes, on mesure l'état du plantage : la bande d'escrocs du dimanche se voudrait haute en couleurs, un peu comme le Capra de Arsenic and old Lace, mais n'est que poussive à cause du manque d'intérêt évident que Huston leur porte ; Lolobrigida, sous-exploitée, n'est que la potiche de service qu'elle a toujours été, même son potentiel érotique n'est pas perçu par Huston ; l'aspect film noir se perd dans une trame compliquée sans nécessité, et on ne retrouve pas la pureté directe des grands thrillers du maître ; l'aspect comédie est bien poussif, comme si à chaque fois qu'on voulait faire un gag, on s'en empêchait pour rester dans un aspect sombre et cynique plutôt que dans le délire; les personnages sont mal creusés, notamment l'intéressante mythomane qu'est Jennifer Jones, qui aurait pu donner 11000 quiproquos drôles mais qui est à peine esquissée ; enfin, comble des combles, Boggart est éteint, très moche dans cette lumière qui le vieillit, jamais élégant ou "mythique" comme il a su l'être aux temps de sa gloire... Bref, on soupire souvent, malgré quelques scènes pas mal (un assassinat nocturne, quelques dialogues taquins), et on se lance à la recherche d'un peu de fantaisie au milieu de ce rythme poussif où même les acteurs semblent largués.