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11 octobre 2008

Intérieurs (Interiors) de Woody Allen - 1978

De sa veine sérieuse, Interiors est sûrement le moins bon film de Woody, mais ce n'est certainement pas le moins sincère. S'il touche peu, c'est peut-être seulement que la rigueur du dispositif éloigne le spectateur du coeur de l'histoire ; mais d'un point de vue purement scénaristique, c'est un film touchant et franchement réussi.

interiorsAu niveau technique, c'est effectivement plein de défauts, sûrement parce que Woody, obsédé par Bergman, ne parvient qu'à en rendre la surface, une sorte de panoplie formelle jamais à la hauteur du maître. L'interprétation est fluctuante, disons, allant du meilleur (Diane Keaton, dès le premier plan, est d'une justesse incroyable, simplement par le travail sur les mains ou sur le visage) au moins bon (les hommes, en sur-jeu) : certains comédiens sont à la limite de la caricature, et il faut dire que les poses que leur fait prendre Woody ne les aident pas à éviter les écueils. Le montage aussi est laborieux, trop mécanique, trop monotone : on passe sans arrêt d'un couple à l'autre, à chaque nouvelle séquence, avec de temps en temps ces scènes de groupes qui arrivent réglées comme un métronome ; tout ça est bien froid et sent l'application, voire la peur de l'audace. Pourtant, c'est dans ce film que Woody trouve sa fameuse façon de filmer les lieux vides (magnifiques décors blancs et gris, Interiors1complètement épurés), laissant sa caméra enregistrer le rien dans la durée : vraie audace, pour le coup, que ces premiers plans pratiquement abstraits à force de blancheur et d'immobilité. A l'intérieur des séquences, la mise en scène est vraiment belle, très fluide ; mais la construction d'ensemble gène pas mal, Woody possédant mal les rythmes en général. Il y a aussi une trop grande volonté de tout expliquer, tous les symboles sont lourdement soulignés : des costumes franchement too much, quelques gestes solennels (la main de Keaton sur la vitre, ou les regards perdus au lointain, trop de visions compulsives de Persona sans doute). Bref, Woody hésite à affronter réellement son changement de ton, aborde presque frileusement le drame psychologique, comme si lui-même se demandait s'il avait le droit de travailler ce genre.

Mais ce qui est très beau, c'est l'écriture, les dialogues, les personnages. Woody sait gérer ses moments 298454_f520tragiques, en les opposant à des scènes a priori anodines (une visite de la mère, une conversation sur un vase ou sur une pièce de théâtre). Quand la violence surgit (une violence rentrée, qui n'éclate jamais au grand jour), elle est d'autant plus forte : une scène de repas tendue autour de la nouvelle conquête du père, quelques confrontations entre soeurs, des disputes conjugales parfaitement menées. C'est certes un drame bourgeois, et Woody ne parle que des triturations de cerveau d'une classe aisée et intellectuelle qui peut éloigner le spectateur lambda. Mais le film interroge aussi cette classe-là, les personnages étant surtout tourmentés par leurs ambitions avortées, par leur impossibilité à vivre une vie simple, par leur morale aristocratique en fin de compte. Le film s'installe doucement, de façon languissante, et on ressort de Interiors avec un sentiment d'amertume prenant, une mélancolie et une tristesse touchantes. Beau film, belle introspection, beau coup d'essai.

Tout sur Woody sans oser le demander : clique

Commentaires
K
La Servante Ana de " Cris et Chuchotements " quitte la Suède pour vivre à New-York et devient Eve.<br /> <br /> Après les cris, elle va vivre les chuchotements d' un cataclysme familial. Celui de sa famille.<br /> <br /> Eve, c' est le Cinéma, son mari Arthur symbolise le Producteur. Et quand ce dernier annonce son départ, Cinéma inexorablement s' effondre. <br /> <br /> Les 3 soeurs.<br /> <br /> Diane Keaton, c' est l' Art. Mary Beth Hurt ; la Critique. Et Kristin Griffith ; la Télévision.<br /> <br /> Art et Critique vivent un éternel conflit, plus précisémment c' est la Soeur Critique envie sa Soeur Art, de sa réussite et de son accomplissement artistique. Critique finalement donnerait tout, ainsi que sa condition, pour devenir Art. Elle n' est qu' Art qui a failli.<br /> <br /> La Soeur Télévision aussi au fond souhaiterait être comme sa soeur Art. Mais elle n' en nourrit pas de haine ou de vindicte. Semblant accepter sa condition, et ne créant pas de problèmes au sein de la famille, elle trouve néanmoins un réconfort dans l' ivresse des drogues.<br /> <br /> Frederick ( Fellini ? ) c' est Woody Allen. Il se veut Artiste, il a d' ailleurs épousé Art.<br /> <br /> Sa femme, qu' il jalouse également.<br /> <br /> Conscient de ses limites, il fait la cour à Soeur Télévision au cas ou se présenterait une carrière.<br /> <br /> Arthur , dans cet imbroglio, se met en colère. Il exige que Art, Critique et Télévision se mettent d' accord, car après tout, c' est lui qui paie. Et surtout, qu' il arrive avec sa nouvelle conquête : le Jeu, débarquée pour l' occasion de Floride, et charme avec de la musique et des tours de passe-passe.<br /> <br /> Décidément, Arthur est un incorrigible Joueur, pour qui tout est propice au loisirs, tant que c' est producteur et bienfaiteur.<br /> <br /> Sam Waterston, le journaliste, représente la fenêtre sur le monde, ce monde inconnu et menaçant. ( " Je n' irai jamais au Mexique " ).<br /> <br /> La maison, c' est Manhattan, Frederick le double de Woody Allen, y est " comme dans son appartement ". Quand l' Extérieur consiste pour lui à l' Art, la Critique et la Télévision.<br /> <br /> Ne parlons même pas de l' étranger qui n' est que danger pour lui ( " Je n' irai jamais au Mexique, la-bas on reçoit une balle dans la rue ").<br /> <br /> Si pour Ingmar Bergman , le Cinéma fut sa Maîtresse, pour Woody Allen, elle est sa Belle-Mère.<br /> <br /> ...<br /> <br /> Interiors, la manifestation de la vie intérieure de Woody Allen est un Chef-d' OEuvre.<br /> <br /> Son Chef-d' Oeuvre.<br /> <br /> Merci Woody.
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G
Grand fan de Woody également, Stalker. Malheureusement, il y en a d'autres qui sont assez décevants, mais d'accord pour considérer Melinda & Melinda comme un des plus mauvais. Pas vu encore ce fameux opus espagnol, je trépigne.
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S
Très envie de le voir celui-ci !<br /> "Vicky Cristina Barcelona", le dernier Woody est une merveille !<br /> Le seul film du gars qui m'ait déçu pour l'instant c'est "Melinda et Melinda"...
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