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Shangols
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9 mai 2008

Moïse et Aaron (Moses und Aron) de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet - 1974

Garrel, Godard, Straub... Ne nous reprochez plus d'abuser du terme "pointu", je sais pas ce qu'il vous faut.

Eh bien c'est encore une fois la fête à la saucisse de Morteau avec cette farce enlemoi067vée proposée par les clowns Straub et Huillet : un opéra de Schoenberg, déjà, à la base, c'est un effort ; mais filmé par les compères, ça devient un parcours du combattant, qui nécessite un dopage intensif pour l'aborder (merci à mon partenaire officiel, Maison du Café). Bon, mais malgré tout, c'est toujours une expérience de se taper un Straub, et Moïse et Aaron est plutôt plus abordable que d'habitude. Ca commence avec un plan fixe de 9 minutes sur un personnage 3/4 dos qui beugle du Schoenberg avec une belle volonté. On frémit à la pensée que ce sera peut-être le seul plan du film (ce qui n'aurait pas manqué d'audace), mais non : subitement la caméra entame un de ces fameux panoramiques dont les Straub ont le secret, pour filmer un pan de campagne désertique, et s'arrêter sur une montagne. Ce mouvement est un évènement intersidéral à lui tout seul, et on commence à ouvrir un oeil. On fait bien, car on a droit ensuite à une très belle scène de confrontation moi087entre Moïse et Aaron d'un côté, et le peuple de l'autre. Les cadres se font très mobiles (enfin, on se calme, hein, c'est pas Les Visiteurs non plus), les panoramiques sont vertigineux et très variés. On glisse d'un gros plan de profil à un plan d'ensemble, on tournicote autour des personnages, et les rythmes sont très bons, épousant parfaitement la musique heurtée de Schoenberg. Par contre, aucun déplacement d'acteurs, on s'énerve pas non plus. Ah si, une fois, Aaron quitte l'écran pour jeter son bâton (qui se transforme en serpent, lisez la Bible), énorme.

Après, c'est le deuxième acte (déjà ? déjà). Et là, c'est de la folie pure, il se passe plein de trucs de ouf : vas-y que je te filme des chameaux et des chèvres, et tiens, une petite moi083chorégraphie devant le veau d'or, et zouplà une cavalcade effrénée (6 cavaliers, pas moins). Le point d'orgue est atteint dans une séquence de caverne, où la caméra passe de groupe en groupe avec maestria. Les Straub tentent même, ô comble du commercialement correct, un gag ! Un gusse qui verse de l'eau sur un autre gusse, on devine Huillet pêtée de rire. Ceci dit, cet acte est quand même pas mal intéressant, malgré le côté sybillin de pas mal de plans (2 minutes sur un écran noir avec juste une tâche de lumière en bas à gauche, pas compris, ni la scène de violence hystérique où on jette une assiette par terre...). Si la musique est en play-back, les Straub conservent les sons directs pour ce qui est de la nature, et l'effet est très bon : on entend les grillons, les pas des danseurs dans la terre, leurs souffles, les meuglements des vaches, moi066l'ambiance devient très réaliste malgré l'artificiel lié à l'opéra. Certains plans sont vraiment beaux, d'une puissance lyrique totalement assumée dans la rigueur du dispositif : un homme qui se plante un poignard dans le ventre, le veau d'or filmé en frontal, ou à nouveau cette montagne étrange cadrée avec insistance. On ne peut pourtant s'empêcher de se marrer devant la scène de suicide collectif du peuple (lisez la Bible) : 3 ou 4 figurants qui sautent d'une falaise, sauf qu'on sent bien qu'il y a à peu près 50 cm de vide pas plus.

6343On nous a annoncé 3 actes au début du film, et on pleure clairement sa mère après ces 90 minutes âpres. Mais heureusement, le bon Schoenberg n'a pas achevé son oeuvre, et l'acte final dure 10 minutes, sans musique, un seul plan encore une fois, rien à signaler. Au final, on est tout fier d'avoir vu ça, de la même fierté par exemple que quand on s'est sorti avec honneur d'une bonne grippe ou quand on a achevé le grand ménage de printemps. C'est dur, mais il faut bien le faire...

Tout Straub et tout Huillet, ô douleur : cliquez

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