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7 mai 2008

Le Vent de la Nuit de Philippe Garrel - 1998

18465896_w434_h_q80Vue la colère qu'inspire Garrel à mon précieux camarade (cliquez là, ça vaut son pesant d'obus de mortier), je doute fort que Le Vent de la Nuit ne le fasse pas verser dans la révulsion franche. C'est pourtant un très beau film, plein d'une fausse simplicité d'éxécution, d'une mélancolie sourde et subtile, et porté par des acteurs impeccables. On est d'accord : on est en plein dans le Cinémâââ Français, mais quand il est fait avec une telle sincérité, on ne peut que s'incliner.

Comme dans 90% des films français, donc, il est ici question d'incommunicabilité entre les êtres, de jeunesse perdue et de renoncement. Beauvois (en Candide pas toujours bien tenu, un peu schématique) couche avec Deneuve (éblouissante, parce que filmée quasi à son insu, en allant chercher des expressions qu'on n'a jamais vues chez elle), son aînée, on va dire pour être respectueux. La première partie du film semble nous emmener sur cette piste d'amour illicite, où l'indifférence 1de l'homme est décuplée par le renoncement de la femme vieillissante ("S'il en veut à mon argent, je suis prête à flamber", de mémoire). Et c'est déjà très beau, parce que mis en scène avec beaucoup de retenue, sans rien lâcher dans l'émotion, en scrutant par de longs plans secs des physionomies, des rapports d'acteurs.

Mais aussitôt, Garrel abandonne son actrice pour emmener le jeune gars sur la route de Duval (génial, diction épurée, économie de jeu imparable), un "ex-jeune", qui a vécu 68, a perdu sa femme, et veut se suicider. Leur n6950241812_424797_2580relation se réduira en gros à une ballade en Porsche en Italie et en Allemagne, au cours de laquelle leurs dialogues, naïfs d'un côté, épuré de l'autre, ne résoudra rien. Garrel filme les autoroutes désertes, les sorties de route improbables, les chemins de traverse qui mènent à la beauté (un palais italien inachevé, un cimetière bouffé par les mauvaises herbes), faisant taire ses personages pour se concentrer sur leur mélancolie intérieure, qui rejaillit sur les paysages. Au son de la sublime musique de John Cale, il montre juste deux destins qui ne se croiseront pas : l'un, léger, inconscient, maladroit et en devenir (Beauvois) ; l'autre achevé, torturé, viril (Duval). Le retour cellera ces destins autour de celui de Deneuve, dans un Paris muséifié (splendides couleurs ocres et marrons, qui tranchent avec le rouge de la robe de Deneuve ou de la voiture).

Malgré une ou deux maladresses de dialogue, le constat est là : c'est tout simplement un appel au secours, un manifeste contre le temps qui passe, une reconnaissance d'échec. Garrel semble crier à chaque instant n6950241812_424801_3240que la vie est triste, et bien qu'on soit dans l'ensemble d'accord avec lui, on a envie de soutenir ces corps vieillissants, de les écouter. Comme Beauvois, qui pose sans arrêt des questions à Duval ("c'était comment en 68 ? ", "ça fait quoi, les electro-chocs ?"), mais qui reçoit la réponse sans que ça ne l'affectionne, on a envie de recueillir le témoignage de cette génération concernée et libre. Mais le film ferme très vite toute possibilité d'empathie, et chacun est renvoyé à ses fantômes avec un nihilisme désespérant. La mise en scène, sèche et à bout de souffle, enregistre avec beaucoup de rigueur la fin d'une époque, et on ressort de Le Vent de la Nuit avec une tristesse terrible ; mais aussi avec de l'admiration pour ce cinéma amer et direct. Je vais me taper d'autres Garrel.

Garrel soûle ou envoûte ici

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