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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
28 mars 2008

Day Night Day Night (2006) de Julia Loktev

18654686Voilà un film entre Keane et Rosetta (dans la forme) même s'il se situe un ton au-dessous. L'histoire d'une très jeune fille qui décide (elle veut qu"il comprenne", le faire pour "lui", plus un petit copain qu'un Dieu quelconque mais cela reste volontairement flou) de se faire exploser à Times Square. Du rendez-vous dans une chambre d'hôtel pour choisir ses vêtements à la mise en place de la bombe dans un sac à dos dans une cave, tout est précisément détaillé, la caméra collant le plus souvent au visage hiératique de la fille , jusqu'au grand jour où elle appuiera sur le bouton en s'engageant sur un passage piéton quand le feu passe au vert...

On sent bien que la réalisatrice tente de capter le moindre signe imperceptible, la moindre émotion dans les gestes de son héroïne; pas un pamphlet politique, pas un film engagé, juste la volonté semble-t-il de savoir ce qui peut se passer dans la tête d'une jeune fille quelques heures avant de faire le grand saut... Loktev gonfle sa bande sonore, que la fille prenne une douche, se brosse les dents ou se retrouve confrontée aux bruits de la rue, comme si ces sons étaient le plus souvent les seuls à donner "signe de vie"; la jeune fille est déterminée, même si à quelques minutes de passer à l'acte son hiératisme se fait erratique, et vas-y que je m'achète un bretzel, que je caresse un jouet en forme de petit chien  sur le trottoir (petites faiblesses humaines avant de commettre l'irréparable, l'inexcusable...?) ou que je fais pipi dans ma culotte - c'est stressant certes... Loktev filme en creux, se refuse de tomber dans toutes les facilités des morceaux "choisis" (elle ne montre pas l'ultime témoignage de la fille que filment les terroristes au nom d'une quelconque cause... le propos est ailleurs on l'a dit). Si l'on est pas forcément scotché de bout, en bout Loktev réussit un film sans concession, comme un moment de vérité crucial. C'est déjà beaucoup.   (Shang - 19/10/07)

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Ah c'est clair que Julia Loktev est un peu trop timide et ne se permet jamais de traiter de son sujet avec la radicalité d'un Dardenne. C'est un peu dommage : le film hésite trop entre l'esthétique abstraite d'un film-concept comme Gerry et le naturalisme crasseux d'un film brutal comme Le Fils (film des Dardenne auquel j'ai pensé plutôt qu'à Rosetta : il y a dans les premières minutes la même volonté de filmer un personnage qui agit sans qu'on sache absolument rien des raisons de sa tension). Bien que filmant élégamment des lieux saturés de lumière, aseptisés (couloirs d'hôtels, voitures de luxe, salle de bains immaculée), elle rend tout ça un peu trop "beau" pour que la vérité qu'elle traque éclate réellement.

DN2_previewCette réserve mise à part, j'ai beaucoup aimé Day Night Day Night. D'abord parce que, comme le dit mon collègue, Loktev évite absolument tout discours politique. Les motivations de la jeune terroriste resteront au second plan, même si on sait par certaines scènes qu'elles sont avant tout idéologiques, même si le personnage est clairement islamiste. Peut-être y a-t-il quand même un petit discours sur le peuple américain dans ces scènes en miroir : l'une où, après une chute de la nana dans les escaliers, les passants se précipitent pour l'aider ; l'autre où, alors qu'elle cherche de la monnaie pour téléphoner, tout le monde la frôle dans l'indifférence totale. L'ambiguité de la foule est bien rendue, et finalement assez parlante dans ces deux simples façons de la filmer.

DN4Mais sinon, c'est vrai que la caméra se contente d'enregistrer des gestes, froidement, sans discours, à la manière d'un Bresson (Pickpocket), pour mieux décrire un acte terrible. Une des grandes forces du film, c'est la tension extrême qui s'installe alors même que l'"héroïne" reste opaque, antipathique, sans affect. On a peur, du début à la fin, de l'explosion aussi bien que de l'échec de la mission. Quelques symboles sont un peu lourds (la nana qui achète des sucreries ou joue avec un chien mécanique, comme pour la rattacher à une innocence perdue, bof), mais la radicalité du procédé, qui ne lâche rien dans son objectif, mérite le respect.

DayNightDayNight2D'autant que Loktev a la subtilité et l'audace d'instiller au milieu de cette horreur une bonne dose d'humour : une séance de maquillage surréaliste avant d'enregistrer une vidéo de propagande terroriste ; un essayage de fringues digne de Pretty Woman ; ou une sorte d'humour jaune terrible dans la somme de galères qui s'abat sur la pauvre fille (plus de monnaie pour le téléphone, une bombe qui foire, une drague lourdosse au moment crucial) : là, oui, on dirait la fin de Rosetta, quand la bouteille de gaz qui devait la tuer s'avérait vide. Mettre de l'humour dans un film sur une kamikaze, il fallait quand même oser. Day Night Day Night, sur un sujet casse-gueule, convainc franchement, malgré deux ou trois facilités bien excusables.   (Gols - 28/03/08)

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