LIVRE : L'Enfant Chat de Béatrix Beck - 1984

Je ne misais pas grand chose là-dessus, Béatrix Beck ayant toujours gardé pour moi l'image du livre poussiéreux qu'on a tous dans les maisons de nos parents, et que personne n'a jamais ouverts. Un peu comme Somerset Maugham, voyez ? Le genre qui prend la poussière.

Eh bien, je le dis : c'est absolument charmant. Ca ne révolutionnera absolument pas les règles de la Littérature Mondiale, mais ça se lit avec un sourire énamouré et un peu niais aux lèvres. L'écriture de Beck est très originale, la donzelle aimant arrêter souvent son action pour réfléchir au vrai sens des mots. Ca donne, par exemple : "Nous sommes mercredi. Curieuse façon d'être" (de mémoire), ou des passages assez alambiqués où elle laisse filer sa plume au gré des sons, quitte à atteindre un non-sens réjouissant. Bon, c'est parfois aussi un peu brumeux, tout ne marche pas, et elle nous perd de temps en temps au milieu de ses rêveries littéraires. Mais c'est malgré tout une écriture mutine, comme un insecte qui se baladerait sans ordre dans la page. Quant à l'histoire, elle fleure la poésie bon enfant : adoptant une chatte, une prof à la retraite se rend compte que celle-ci sait parler, et a même des ambitions humaines (aller à l'école, porter une robe). Bon, on est d'accord, c'est pas Molloy. Mais c'est mignon tout plein, d'autant que Beck s'y connaît pour dresser un portrait en deux lignes, ou dépeindre une ambiance en quelques mots : "Les masses de neige qui tombent du toit, les branches de glace qui se détachent des arbres donnent par leur bruit sourd ou cliquetant une impression de présence. La terre ruisselle. La haie lâche des cerises de gel." Moi, j'aime bien. L'Enfant Chat représente quelques instants volés au fracas du monde, c'est déjà pas si mal.