Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
23 janvier 2008

San Clemente de Raymond Depardon - 1980

depardon_03Encore une fois un exemple de rigueur pour Raymond Depardon, qui décide cette fois-ci d'aller arpenter les couloirs d'un asile de fous en banlieue de Venise. Ce qui est particulier avec San Clemente, comparé aux autres films du gars, c'est que cette fois, sa fameuse méthode de camouflage est vaine : impossible de se fondre dans le milieu, de disparaître, dans un lieu où les personnages filmés envisagent la présence du cinéaste comme un nouveau jeu. La présence de Depardon trouble les malades, qui finalement incluent cette présence dans leur univers déviant : l'un tente de piquer le micro, un autre de le manger, une vieille met rageusement un coup de sac dans la caméra, et on entend même un des pensionnaires demander si le film est produit par la Paramount ou la Fox. C'est ce qu'il y a de plus beau dans le film : le fait que Depardon et sa preneuse de son soient inclus dans l'asile, comme si eux-mêmes étaient considérés comme fous par les fous. On sent d'ailleurs que beaucoup de malades se mettent en scène, sur-jouant leurs névroses ou leurs tics pour le plaisir de la caméra : c'est une dame qui prend subitement une pose de madonne, c'est un petit mec qui en rajoute des tonnes dans la lucidité sur son comportement, c'est un jeune beau qui se la pète en se prenant pour Brando. Une nana se tourne même vers la caméra en désignant un de ses camarades et dit : "Faites pas attention, il fait le débile".

Sans_titre8Mais malgré ce touchant et inattendu résultat, San Clemente reste d'une rigueur totale. Depardon capte de purs moments de vérité qui coupent le souffle : une soeur qui vient voir son fêlé de frère pour son anniversaire, un médecin dépassé par les familles de ses patients, le va-et-vient hypnotique d'un gars plongé dans son monde, des bribes de regards, des visages, des postures de corps. Le fait que cet asile soit menacé de fermeture, et soit dans un état de délabrement et de laisser-aller plutôt inquiétant, rajoute encore à l'ambiance délétère, comme une fin du monde terne, à l'image de ce noir et blanc brumeux et épais. C'est comme si tous ces gens étaient abandonnés entre eux à leurs solitudes de malades, comme s'ils étaient seuls au monde, oubliés de tous. La caméra erre dans les couloirs, au hasard, s'arrêtant parfois plus ou moins longuement sur un être, repartant, enregistrant là un homme qui baisse brusquement son pantalon, ici un début de bagarre, ailleurs une conversation insensée. Le film touche quelque chose de douloureux en nous, dans une sorte de responsabilisation du regard qui dérange et émeut en même temps. Tout ça sans se départir d'un certain humour et d'une profonde humanité. Depardon est grand.

Commentaires
Derniers commentaires