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27 décembre 2007

License to Live (Ningen gokaku) de Kiyoshi Kurosawa - 1998

aaaa1Même quand KK ne filme pas de fantômes, il trouve le moyen de parler de revenants. Yutaka est un jeune gars qui sort d'un coma de 10 ans, et doit affronter une vie qu'il ne comprend pas, son accident ayant eu lieu pendant son adolescence. Sa famille s'est destructurée, sa maison est un cloaque, son corps se traîne bras ballants dans les rues et les faubourgs cradingues. Il va venir faire un tour parmi les vivants, et plutôt que de tenter de s'adapter, il va tordre l'univers pour qu'il ressemble à son passé. Après re-création, il disparaitra à nouveau.

"Si tu ne peux pas changer le monde, change de monde", a dit je ne sais qui (Miller ?), et ça pourrait être l'incise de ce beau film énigmatique, construit à la façon d'un puzzle. Toujours étrange, le cinéma de Kurosawa ose ici des ellipses très audacieuses, et le spectateur est obligé de laisser filer son imagination pour recoller les morceaux, à l'instar du personnage principal. Tout l'art du cinéaste est de savoir donner les bonnes infos au bon moment pour qu'on ne soit pas trop perdu, et de laisser leaaaa reste apparaître comme un trou béant, rendant ainsi concrète la psychologie "spectrale" de son héros. Tous les thèmes kurosawaiens sont dans License to Live : la fascination pour les corps, chaque état mental des personnages étant illustré concrètement par un comportement physique (brusque accès d'énervement, luttes, postures de corps) ; la passion pour les friches et les débris, le décor principal étant une sorte de décharge à ciel ouvert où les restes d'un passé inconnu jonchent le sol ; l'obscurité des êtres, les comportements et les rapports restant souvent inexpliqués et inexplicables. C'est aussi l'un des plus beaux scénarios de KK, certaines idées particulièrement brillantes trouvant toujours un équivalent visuel d'une subtile symbolique : la maison de l'enfance transformée en pisciculture, comme si le monde passé de Yutaka était plongé dans cette eau sale où les poissons meurrent ; les poneys de l'adolescent transformés en un unique cheval gris ; la difficulté du héros à pénétrer dans le monde contemporain représentée par un plan récurrent le montrant traîné par son tuteur (pour aller au bordel, pour apprendre à conduire...)

aaaa2Le film, en plus de tout ça, est très drôle, jouant du burlesque de façon étrange, un peu à la Buster Keaton (l'humour est froid, distancé). Et l'ampleur de la mise en scène n'est pas en reste : très vastes plans d'ensemble en plongée, placement des personnages au taquet (ah, les infirmières kubrickiennes du début du film !), travellings toujours amenés au moment où on ne s'y attend pas, judicieuse utilisation des hors-champs. C'est du très bon Kuro, à part dans sa filmographie mais pas tant que ça, passionnant, drôle et impeccable. 

Commentaires
G
Eh bien apprends, camarade memapa, que Arte vient de sortir 4 films de KK en DVD : License to live, Doppelgänger, Loft et Door III. Sous-titrés normalement, et dans des copies correctes.
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M
Oui, oui, un super film. J'aurais pas mieux dit. Peut-être issu de la meilleure période de KK (Cure/Charisma). J'en recherche d'ailleurs désesperemment le DVD (pas celui en japonais sous-titré que dalle, hein)
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A
J'attendais l'insurrection.<br /> C'est curieux parce que j'ai entendu ou lu cette phrase, vraiment très récemment, et impossible de la resituer. Reste plus qu'à trouver l'originale :)
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G
Nan nan nan, je m'insurge : ma phrase est citée dans Miller (Le Colosse de Maroussi, je crois, ou peut-être Sexus), donc, bien avant que Pennac n'imprime ses torchons. Mais je crois que lui-même cite quelqu'un d'autre.
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A
Je n'aurais pas mieux dit. Un film vraiment curieux, je me souviens aussi des liens familiaux, brisés par ces 10 ans de coma, des "aaaaaah" "eeeeeeh" de la mère qui ne sait jamais quoi dire, du père qui s'enfuit... ils ont déjà tourné la page, et le "héros" ne semble revenir que pour achever ce qui a été laissé en plan. C'est finalement peut-être bien un film de fantôme.<br /> <br /> Trouvé sur le web "Si tu ne peux pas changer le monde, change le décor", ce serait de Pennac, mais j'ai un peu la trouille de me faire taper...<br /> J'aimerais bien retrouver l'originale, sûrement pas de Pennac !
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