Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
22 décembre 2007

Nuages de Mai (Mayis sikintisi) de Nuri Bilge Ceylan - 2000

49912Un cinéaste qui retourne dans sa région natale pour y réaliser son film avec les habitants du coin, ça rappelle quelque chose, et effectivement Ceylan ne cache aucune de ses références : l'ombre de Kiarostami plane sur Nuages de Mai, le Kiarostami de Au Travers des Oliviers surtout. Les thèmes et les choix esthétiques sont les mêmes. On retrouve cette même thématique de la suprématie de la vie sur le cinéma, à travers quelque plans très intelligents qui décadrent légèrement le film en train de se faire pour montrer la nature, le vent dans les arbres, la lumière naturelle qui vient rendre celle, artificielle, bien palotte. On retrouve également, et fort bien menée, cette façon d'isoler chaque personnage dans sa bulle : le père est obsédé par la vente de son bois aux autorités locales, le pote par la perte de son travail et ses rêves de capitale, le petit garçon fantasme sur l'achat d'une montre musicale qui achèverait son bonheur. Le cinéaste, interprété tout en présence/absence par Muzaffer Özdemir, a bien du mal à faire exister son film au milieu de ces cases fermées, et Nuages de Mai finit par démontrer que le regard sur le monde est bien plus fort quand il passe par l'innocence non calculée plutôt que par le cinéma. Joli thème, traité en contemplation amoureuse par un Ceylan qui cite au passage Antonioni (pour la longueur de plans), Ozu (pour le titre, mais aussi pour cette attention à la cellule familiale et pour la thématique de la transmission), voire les cinéastes de la contemplation que sont Kawase ou Weerasethakul.

img_cloudsQuelques scènes emportent l'adhésion pour la subtilité de leur traitement : un petit garçon qui refait le monde en observant un vieux derrière une photo (selon qu'il ouvre un oeil ou l'autre, le monde change) ; une escapade dans la nature avec une tortue, archétype du style-Ceylan, tranquille, apaisé ; et toute la partie centrale du film, où on se rend compte, après le départ du cinéaste, que le monde est beaucoup plus fort quand il ne passe pas par le truchement d'une caméra. Pourtant, le film est souvent ennuyeux, et frôle le "cinéma du monde" dans son attachement à une tradition du paysage qui finit par être saoulante. Certes, c'est beau : les ciels de Ceylan sont splendides, ses arbres aussi, et les visages de ses comédiens. Mais il y a beaucoup d'effets arty qui gâchent l'ensemble, comme si Ceylan n'avait pas osé aller au bout de son propos, comme s'il avait bridé l'audace qui apparaît souvent. Le gars cite Tchekhov au générique de fin, et c'est juste : on reconnaît la vision panthéiste de l'auteur de Oncle Vania, mais ça reste aussi dans le domaine du beau, sans parvenir à la profondeur de l'écrivain, à sa mélancolie sourde. Il faudra attendre Uzak pour avoir un vrai grand film de Ceylan.

Commentaires
Derniers commentaires