Les Félins (1964) de René Clément
Le plus beau noir-et-blanc du cinéma français, signé Henri Decae, disions-nous hier soir ami Bast*en? C'est fort possible tant les contrastes sont sublimes dans ce film (un noir super noir, un blanc étincelant sous les lumières de la Riviera). Ajoutez à cela une musique de Lalo Schifrin toujours vibrante au moindre frissonnement, des acteurs en état de grâce - Delon, Jane Fonda, Lola Albright confondant de naturel... et d'une beauté qui ne gâche rien -, un scénario à "double-fond", en un mot un des plus grands polars français.
Clément joue sur ce terme de félins, véritable image filée en... images, que ce soit dans les gestes - multiples coups de griffes entre les deux chattes Barbara et Melinda, petite morsures données par Melinda à Marc - ou dans les rôles assignés à chacun, entre félins enfermés dans une cage (Vincent), grands prédateurs (Barbara et Marc) et "chaton" qui se fait les griffes (Melinda). Il y a également un jeu sur ces pupilles qui brillent dans le noir comme ceux d'un chat effrayé dans la lumière de phares, ou miroitant le désir de la chair, ou encore ces plans sublimes tour à tour sur le regard de Marc et de Melinda lorsque Marc se retrouve au volant de la Rolls Royce poussièreuse. Qui "possèdera" l'autre?
Jeux du chat et de la souris, Melinda courant après Marc qui court après Barbara qui court pour rattraper son passé. Pour assouvir ses désirs, il faut jouer au plus malin, chacun finissant par tomber peu à peu dans son propre piège (le flirt entre Barbara et Marc n'est-il que feint au final?). Jeux de miroir (glace sans tain de Vincent enfermé derrière celui du salon qui ne peut voir sans agir; miroir dans lequel se reflète la danse séductrice de Barbara qui n'est qu'un faux semblant pour faire sortir Vincent de sa cage). Jeux de mains -lorsque Marc et Barbara s'effleurent -, jeux de vilains - la fin est diaboliquement sans fin, modèle d'oeuvre ouverte qui se joue doublement en huis-clos.
Que dire enfin des mouvements de caméra (j'adore cette caméra subjective qui tombe à terre lorsque Marc est assommé au début du film), des cadres (notamment lors de la scène d'amour entre Marc et Barbara ou encore lors de cette fameuse danse de la séduction de Mélinda où Clément prend le partie de n'exposer que des bribes de corps), des détails dans le décor (ces inquiétants crânes, tête sculptées ou masques omniprésents dans le film), de la mécanique implacable du scénario...? Bref, un must, je suis à genoux devant René Clément.