Les Infiltrés (The Departed) de Martin Scorsese - 2006
Scorsese reprend la trame du génial Infernal Affairs et en fait du grand Scorsese. Si depuis The Good Fellas, j'avais toujours eu une pointe de désappointement -voire de gros, remember The Aviator - on retrouve ici une direction d'acteurs, un montage, des dialogues, une B.O. -plus omniprésente et judicieuse, tu meurs-, une mise en scène qui font de Scorsese un des derniers grands.
Di Caprio infiltré dans la mafia irlandaise, Damon infiltré chez les flics, amoureux de la même femme, une histoire shakespearienne d'identité, de trahison, d'engagement, de sacrifice, de loyauté, bref que du tragique et du lourd avec un Martin Sheen et surtout un Wahlberg -un fuck par millième de seconde, c'est à l'aune du nombre de fucking qu'on reconnaît les grand Scorsese- à la tête de la police et un DIABOLIQUE Jack Nicholoson en parrain de la maffia - son imitation du "rat" faisant aussi froid dans le dos que lorsqu'il a une hache dans Shining. Un casting donc trié sur le volet et franchement Di Caprio tient bien la barre. Variations multiples sur la perte d'identité, sur les contradictions entre les apparences et les actes, de The Killer en passant par Face Off, l'on doit au cinéma Hong-Kongais les plus grands scénarii sur le thème. Si Scorsese joue quelques secondes sur un regard qui se reflète sur des lames de miroir, c'est pour mieux évoquer les troubles de ces deux héros qui doivent constamment faire la part des choses entre leur conscience et leur engagement. Joli jeu également dans une scène dans les bas-quartiers avec de la fumée qui nimbe les personnages -genre l'homme invisible trahi par ses contours-, leur fonction après tout étant de se fondre dans le milieu qu'ils observent et trahissent. Scorsese est né avec le sens de la musique et celui du montage et il ne s'en est peut-être jamais autant donné à coeur joie (si ce n'est dans Casino, mais je suis passé à plusieurs reprises au travers de ce film, Bibice absous-moi). On pourrait presque fermer les yeux pendant 2h20 (c'est bêta certes) pour écouter cette bande originale d'anthologie, les très rares moments muets étant la plupart du temps couverts par les battements du coeur (ou c'était celui de Proutouie, il est vieux maintenant).
Des scènes intensément violentes -le genre de scènes qui démarre avec un sourire et qui finit avec une balle dans la tête, le corps explosé contre un bar (quitte à faire une blague ou à dire une connerie autant que ce soit la meilleure, car c'est souvent la dernière), des affrontements verbaux de haute volée - Di Caprio face à la psy, Nicholson ... euh... tout le temps, Wahlberg donnant ses instructions - les scènes d'amour étant peut-être un peu en deça -même si Vera Farmiga arrive à tirer son épingle du jeu avec son regard de kryptonite- bref, un remake qui a (pour une fois?) toute sa raison d'être mais qui ne fait pas non plus oublier pour autant la trilogie d'Infernal Affairs. Scorsese peut flairer les Oscars, me voilà enfin avec un film à mettre sur ma liste annuelle. (Shang - 24/10/06)
Ben voilà j'ai vu in extremis l'un des plus beaux films de l'année, et il est exact que, comme le dit mon collègue Shang, ça fait plus que du bien de voir Scorsese retrouver l'inspiration après d'abyssales crétineries lourdosses. Qu'ajouter de plus à la critique dithyrambique du Shang ? Complètement d'accord avec lui : un scénario en bêton armé, que Scorsese élargit par rapport au film asiatique d'origine, tout est parfait dans la progression de la trame, et même les invrraissemblances (les deux ennemis qui tombent amoureux de la même femme, quand même...) passent comme une lettre à la poste par la finesse de la construction ; une bande-son de rêve, omniprésente, et qui donne de la saveur à chaque scène (non seulement les scènes d'action, mais aussi les simples passages dialogués, qui acquièrent ainsi une tension permanante) ; un montage de folie totale, c'est bien simple : on dirait que le film est construit en un seul mouvement de 2h30, avec des écarts géographiques ou temporels qui se croisent en une seule séquence (Scorsese mélange allégrement le flash-back et le présent dans la même séquence), avec cette musique qui file sur l'ensemble du truc, avec cette formidable tenue esthétique qui rend toute l'histoire homogène et fluide ; des acteurs parfaits, avec une préférence pour Di Caprio, fort et fragile (son physique de 12 ans 1/2 le sert), et bien sûr pour Nicholson (pas tant son imitation du rat, que j'ai trouvée un peu trop, que ses moments de violence rentrée, pure terreur d'enfant). Bref, on retrouve le Scorsese ample et intelligent, ambitieux sans être grandiloquent, celui de Casino (chef-d'oeuvre, fils, chef-d'oeuvre) et de Good Fellas... Il est re-né le divin enfant. (Gols - 24/12/06)