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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
6 mars 2024

Mish Mish de Tal Michael – 2019

Et le cartoon égyptien, on en parle ? Le sujet intéresse Tal Michael, en tout cas, et plus particulièrement les trois frères Frenkel, véritables pionniers du genre dans le monde arabe, sortes de Walt Disney du Caire, qui connurent un destin fascinant. Considérés comme des stars dans leur pays pour avoir créé le dessin animé là-bas dans les années 30, ils ont développé un personnage, Mish Mish, qui est devenu une sorte d'emblème joyeuse de l’Égypte. A la faveur des larges extraits diffusés dans ce documentaire, on découvre le savoir-faire du trio, certes bricolo et amateur, mais incontestablement inventif. Et puis, la guerre, l'exode, l'obligation de quitter le pays, le choix de la France comme terre d'exil à défaut de l'Amérique qui leur tendait les bras, et c'est la fin de leurs illusions : complètement oubliés jusqu'en Égypte, ils vont couler de tristes jours anonymes, cherchant à tout prix à retrouver leur aura à grands coups de courriers officiels et indignés. Rien n'y fera : l'histoire les oubliera. A l'occasion de la redécouverte, dans la cave familiale, de leurs petits films, Tal Michael décide de leur rendre un peu de leur gloire en réalisant ce documentaire admiratif.

Dans un joli montage croisant les œuvres des Frenkel, la lecture d'un courrier de Salomon, l'un des frères, au président De Gaulle, et le témoignage de la survivante de l'époque, la femme de Salomon, on suit tout aussi triste que la réalisatrice le pathétique destin de ces trois génies qui n'ont eu pour défaut que d'avoir la mauvaise religion à une époque où on tentait de l'éradiquer. Les films des sieurs sont déposés au CNC, et c'est un bonheur de voir les spécialistes découvrir émerveillés non seulement les films, totalement oubliés depuis des décennies, mais aussi le matériel technique inventé par les frangins : des appareils de projection d'une invention folle, qui les rattachent aux pionniers du cinéma. Surtout le film s'attache de plus en plus à cette Marcelle, qui a dû subir l'infortune de son mari et de ses frères. Gros caractère que cette petite femme juivissime, qui n'a que peu d'intérêt pour les films tant ceux-ci l'ont privée d'un véritable mari, tant ils ont éloigné Salomon de sa vie de famille, tant ils ont été au final la cause de son malheur. A travers elle, ses accès de colère, ses dénis et ses révisions du passé, c'est toute une histoire difficile qu'on regarde, celle de l'exil, celle des talents brisés, celle d'une fratrie trop complice pour pouvoir devenir une famille. Celle aussi d'une Égypte multiculturelle qui a bien disparu... Touchant petit film sans façon.

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